Page:Schlegel - Œuvres écrites en français, t. 1, éd. Böcking, 1846.djvu/345

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son chapeau et ses sandales, et la plupart du temps on l’en a dépouillé. En général les artistes grecs ont restreint les mélanges animalesques de façon à ne pas déranger l’expression de la physionomie et les belles proportions du corps humain. La tête de Jupiter est formée sur le type d’un lion, celle d’Hercule sur le type d’un taureau ; mais ce sont des allusions ménagées qui ennoblissent au lieu de dégrader. Dans les êtres fantastiques d’un ordre inférieur, comme les Satyres, les Centaures, les Tritons, l’imagination combina plus hardiment les formes humaines et animales, et presque toujours avec une heureuse audace.

L’anthropomorphisme, et un anthropomorphisme ambitieux de la beauté dans tous les âges et sous tous les caractères, devint ainsi la règle générale de la mythologie grecque.

Je passe à un autre point. Les philosophes étaient en opposition avec les prêtres, et même avec les poètes. Xénophane disait que les Dieux d’Homère étaient menteurs, voleurs et adultères. Platon attaqua la scandaleuse anarchie de l’Olympe avec une ironie plus fine. Certes les philosophes n’ont pas présidé aux fictions mythologiques ; néanmoins la même tendance de l’esprit qui dirigea la marche de la philosophie grecque, se manifeste aussi dans leur mythologie.

Les Grecs étaient sensuels dans la pratique, et matérialistes dans la spéculation. Le spiritualisme n’était pas indigène chez eux : les systèmes où il règne font exception. Ceux de Pythagore et de Platon, presque les seuls qu’on puisse citer, ont évidemment une teinte orientale. Quand les autres s’élevaient à l’idée de l’infini, ce n’était