Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/107

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la Bible acceptée comme la transcription fidèle d’une révélation surnaturelle : au total, les matérialisations de la foi qui choquent et rebutent le plus les esprits décidés, comme le sien, à n’admettre d’action divine que dans le cadre des lois imposées par Dieu lui-même à sa création.

Mais dans ce cadre même, il admet un plan divin, conçu en vue de la création de l’humanité, d’une humanité parfaite et bienheureuse. Il admet que ce plan comportait nécessairement chez l’homme une liberté dont celui-ci a mésusé, poussant à l’excès son indépendance et son individualisme, se séparant ainsi de son Créateur, ce qui a entraîné comme conséquence la perte de sa ressemblance parfaite et de sa bienheureuse communion avec Dieu. Il admet que pour réparer cette déchéance, Dieu a fait naître en Jésus l’être qui, conçu de façon naturelle, est cependant d’essence surnaturelle, divine, en tant qu’exempt de la loi universelle du mal. Il admet qu’il y ait là une intervention directe de Dieu pour ouvrir aux hommes la voie du retour à Lui, et par conséquent à la perfection et à la félicité, par la communion avec l’homme-Dieu, dont le rayonnement régénère ainsi l’œuvre divine primitive. Il admet qu’il y a là une nouvelle création qui restaure et achève la première. Il admet que chez l’homme qui, par l’intermédiaire du Christ, grâce au Christ, se relève de la chute et revient à Dieu, s’opère une conversion qui est une nouvelle naissance. Il admet donc un ordre du divin, du surnaturel, complément nécessaire du naturel, et, en tant que nécessaire, normal, dont le Christ est le centre rayonnant, et, dans l’accomplissement de cette mission, véritablement le Fils de Dieu.

Schleiermacher estime communier avec le Divin dans le sentiment qui le remplit de son union avec Dieu en Christ ; il estime être ainsi au cœur même du christianisme. Les dogmes plus précis, plus matérialisés, sont pour lui des accessoires, répondent à des besoins du cœur et de l’imagination avec lesquels la raison de chacun peut plus ou moins sympathiser et s’accorder, et qu’il laisse en général libre d’accepter ou non.

L’idée inspiratrice de toute l’activité et de l’œuvre qui font considérer Schleiermacher comme le grand réformateur de la Réforme, celui qui a le plus fait pour continuer en la renouvelant et la poussant plus loin la mission de