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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/110

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Or à la façon dont cette activité prend conscience d’elle-même dans l’âme foncièrement religieuse et dans l’intelligence supérieurement analytique de Schleiermacher, dans la manière dont par suite il en disserte, sans aucun doctrinarisme d’ailleurs, dans ces Discours, elle apparaît d’une part comme appartenant à l’essence même de la vie de l’esprit, et d’autre part comme ne se justifiant, ne se concevant même, que si l’on admet l’existence, la réalité, d’un principe spirituel correspondant qui est la véritable réalité du monde. L’universalité de cette tendance dans l’esprit humain est sentie par le romantique criticiste comme une preuve de sa nécessité rationnelle intrinsèque, et par suite, dans cette mesure, de la réalité de ce qui y correspond. Là est, d’après lui, sans qu’il le dise expressément, mais cela ressort de la méditation de bien des pages trop vagues de cette œuvre, là est, d’après lui, l’argument le plus convaincant, quoique, ou plutôt parce que tout laïque, en faveur de la croyance religieuse à un tel principe spirituel du monde. Par la prise de conscience en lui de ces faits, Schleiermacher apporte de précieux renseignements sur une des lois psychiques les plus générales et les plus profondes de la genèse des religions.

Ce principe spirituel du monde est ce que, dans ses Discours, où il le considère à la fois en lui-même et dans sa manifestation phénoménale inséparable de lui, il dénomme de préférence « l’Univers ». Dans la suite, il n’aura plus de scrupules à l’appeler « Dieu », et il en verra et montrera de plus en plus distinctement et résolument la conception la plus adéquate, la plus parfaite, dans le Dieu des Chrétiens, dont il professe le culte comme pasteur et théologien.

Ajoutons que le protestantisme ainsi spiritualisé et individualisé, élargi et assoupli par l’auteur et des Discours, et de la Foi chrétienne, peut s’accorder, sans scabreux conflits, avec la conception du monde physique qu’imposent les progrès de la science, avec la conception du monde moral que dictent les modifications de l’idéal social.

De cet ensemble de faits résulte que nombre de chrétiens, qui ne sauraient adhérer au christianisme de stricte observance, peuvent y rester attachés, ou du moins ne pas rompre avec lui, selon l’interprétation à laquelle Schleiermacher donne l’autorité d’une pensée, d’une vie et d’une œuvre telles que la sienne. On doit donc admettre comme probable