Aller au contenu

Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est pourquoi, ne vous laissez pas aller à l’impatience, et ne voyez pas là une marque de mésestime à l’égard du temps présent, s’il m’arrive assez souvent, dans l’intérêt d’une vision intuitive des choses, de vous ramener à ces temps plus proches de l’enfance où, dans un état moins perfectionné, tout était encore plus séparé, plus isolé. Dès le début, et j’y reviendrai sans cesse par d’autres voies avec une diligence attentive, j’entends vous mettre en garde expressément contre toute confusion entre la religion et ce qui ici et là lui ressemble, avec quoi vous la trouverez partout mélangée.

Élevez-vous au point de vue le plus haut de la métaphysique et de la morale. Vous trouverez que toutes deux ont en commun avec la religion le même objet, à savoir l’Univers, et le rapport de l’homme avec cet Univers. Cette égalité entre les trois a été dès longtemps la cause de bien des erreurs. De là vient que métaphysique et morale ont pénétré en masse dans la religion, et maint élément qui ressortit à la religion s’est dissimulé, sous une forme non pertinente, dans la métaphysique ou la morale[1]. Mais cela vous portera-t-il à admettre que la première [42] soit identique à l’une des deux autres ? Je sais que votre instinct vous avertit du contraire, et cela ressort aussi de vos façons de penser. Vous n’accordez jamais en effet que la religion se présente à nous avec la ferme allure dont est capable la métaphysique, et vous ne négligez pas de noter soigneusement qu’il y a dans son histoire une quantité de très laides taches morales. Si donc elle doit se distinguer des deux autres, il faut que, en dépit de l’identité de leur matière, elle s’oppose à elles d’une manière quelconque. Il faut qu’elle traite tout autrement cette matière ; qu’elle soit l’expression, ou l’élaboration, d’un autre rapport entre l’homme et celle-ci ; qu’elle use d’autres procédés ou qu’elle ait un autre but. Car c’est ainsi seulement que ce qui se confond avec autre chose par la communauté de la matière peut se

  1. Dans les p. 41 à 50, Schleiermacher va donc s’efforcer de dissocier la religion d’avec la métaphysique et la morale ; cette dissociation a une très grande importance à ses yeux pour l’intelligence de ce qu’est la religion pure, la véritable religion.