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tout au moins à les interpréter dans un sens extrêmement personnel et libre. Il s’était plusieurs fois demandé s’il pourrait en conscience exercer ce pastorat auquel il se sentait cependant toujours appelé. Il a estimé, à l’âge de 25 ans, que ses idées philosophico-religieuses étaient conciliables avec le saint ministère, et dès ce moment jusqu’à sa mort en 1834, soit comme pasteur, soit comme professeur de théologie, il a toujours rempli, sans grave difficulté intérieure semble-t-il, ses fonctions de ministre de l’Évangile.

C’est à Landsberg d’abord qu’il eut à adapter sa très indépendante interprétation du christianisme réformé aux besoins de croyants fidèlement attachés et soumis à la tradition. Mais, tout en s’acquittant avec conscience et avec cœur des devoirs de sa charge, prédication, instruction religieuse de la jeunesse, il poursuit l’élaboration de sa pensée. C’est alors que la philosophie de Spinoza lui apporte un appui pour ses idées.

Nous pouvons résumer ici le développement de sa pensée jusqu’en 1799, en nous bornant à ce qu’il est nécessaire d’en connaître pour comprendre ses Discours.

Initié de bonne heure à l’idéalisme de Platon, dont il aimera toujours à renouveler en lui l’inspiration, il s’est familiarisé de très bonne heure aussi, dès l’âge de 18 où 19 ans, avec Kant. Il a accepté d’emblée toutes les limitations que la Critique de la Raison Pure (1781) impose à la connaissance, et, plus conséquent que le grand criticiste, retenu par plus de subtilité que lui dans sa foi en la liberté humaine, il n’admet pas telle quelle la construction métaphysique que le penseur de Königsberg réédifie, dans la Critique de la Raison Pratique (1788), sur la base de cette foi morale érigée en certitude. Pourtant, il ne saurait se contenter de la vie inconsistante à laquelle serait réduit un pur subjectivisme flottant dans un monde purement phénoménal auquel ne correspondrait aucune réalité certaine.

Cette réalité, le noumène kantien ne la lui donne pas : l’idéologie de Fichte, trop subjective à son sens, ne le satisfera pas non plus ; la foi objective, trop positive selon lui, de Jacobi, guère davantage ; il sera plus sensible à ce qui le sépare qu’à ce qui le rapproche de la philosophie du Schelling et du Hegel des dernières années du siècle. Ce qu’aucun contemporain ne lui fournit, il croit, vers 1794, le trouver