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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/199

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idée qu’on rend par là service à la philosophie et à la raison : tout cela n’est qu’une des opérations enfantines des métaphysiciens et des moralistes sur le plan de la religion. Ils embrouillent tous les points de vue, et font à la religion la mauvaise réputation de prétendre, elle, à la valeur universelle[1] des jugements scientifiques et physiques. Je vous en prie, ne vous laissez pas troubler, au détriment de la religion, par leurs disputes sophistiques, et l’hypocrisie de faux dévots avec laquelle ils cachent ce qu’ils voudraient si volontiers publier. La religion vous laisse, si hautement qu’elle revendique toutes ces notions décriées, votre physique et, Dieu voulant, votre psychologie aussi, intactes.

Qu’est-ce qu’un miracle ? Dites-moi donc dans quelle langue — je ne parle naturellement pas de celles qui, comme la nôtre, sont nées après le déclin de toute religion — dans quelle langue cela signifie autre chose qu’un signe, une indication allusive[2] ? Et ainsi toutes ces expressions ne désignent rien d’autre que le rapport immédiat d’un phénomène avec l’Infini, avec l’Univers. Mais cela exclut-il l’existence [118] d’un rapport tout aussi immédiat avec le fini et la nature ? Miracle n’est que le nom religieux pour événement[3]. Tout événement, quel qu’il soit, même le plus naturel et le plus habituel, dès qu’il se prête à ce que la façon religieuse de le considérer puisse être la dominante, est un miracle. Pour moi, tout est miracle, et au sens qui est le vôtre, cela seul est à mes yeux un miracle, à savoir quelque chose d’inexplicable et d’étranger, qui n’en est pas un au sens qui est le mien. Plus vous seriez religieux, plus vous verriez partout des miracles, et toute discussion qui se poursuit, entre avis opposés, sur la question de savoir si tel événement particulier mérite d’être appelé de ce nom, ne me donne que l’impression douloureuse de la pauvreté, de la déficience du sens religieux des disputeurs. Les uns prouvent cette

  1. Version de B ; A disait : à la totalité.
  2. Andeutung.
  3. Begebenheit. Le commentaire 16 de 1821 cherche à définir ce qu’il entre d’objectivité et de subjectivité dans la mise en rapport d’un fait quelconque soit avec les lois de la nature, soit directement avec la volonté divine. Schleiermacher se montre là soucieux d’affirmer l’accord, à ce sujet, de ce Discours avec sa Doctrine de la foi de 1821.