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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/217

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[143] l’intérieur duquel je veux prolonger mon séjour avec vous. L’Univers se forme lui-même ses observateurs et ses admirateurs ; comment le fait se produit, voilà ce que nous voulons à présent considérer intuitivement, autant que la chose est possible.

Vous savez que la façon dont chaque élément particulier de l’humanité apparaît dans un individu dépend du degré où cet élément est, par rapport aux autres, soit limité par eux, soit laissé libre ; ce n’est que par ce conflit général que chacun d’eux revêt, dans chaque individu, une figure et une grandeur déterminées ; ce conflit à son tour n’est entretenu que par la solidarité des êtres particuliers et par le mouvement de l’ensemble. Ainsi chaque être et chaque chose est en chacun et chacune une œuvre de l’Univers[1], et c’est ainsi seulement que la religion peut considérer l’homme. Je voudrais vous ramener à cette base de notre existence déterminée et à ce qui limite religieusement nos contemporains ; je voudrais vous faire comprendre distinctement pourquoi nous sommes ainsi que nous sommes et non autrement, et ce qui devrait arriver pour que nos bornes de ce côté fussent à présent reculées. Je voudrais que vous pussiez prendre conscience de la manière dont, par votre être et votre activité, vous êtes, vous aussi, en même temps instruments de l’Univers, et comment votre activité, dirigée sur de tout autres objets, exerce, elle aussi, une influence sur la religion et son état le plus proche.

[144] L’homme naît doué de l’aptitude pour la religion comme de toutes les autres et pour peu que son sens ne soit pas violemment comprimé, que toute communauté entre lui et l’Univers ne soit pas entravée et barrée, — ce sont là, on en convient, les deux éléments de la religion, — cette aptitude devrait immanquablement se développer chez chacun de la manière qui lui serait propre. Mais cette compression entravante est malheureusement ce qui, à notre époque, se produit dès l’enfance dans une si forte mesure. Je vois chaque jour avec douleur comment la rage de comprendre ne laisse pas du tout le sens germer et se développer, et comme tout s’unit pour tenir l’homme

  1. So ist Jeder und Jedes in Jedem ein Werk des Universums.