Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

QUATRIÈME DISCOURS

SUR L’ESPRIT DE SOCIÉTÉ DANS LA RELIGION[1]
OU
SUR L’ÉGLISE ET LA PRÊTRISE

[174] Certains d’entre vous, habitués à ne voir dans la religion qu’une maladie de l’esprit, ont coutume d’entretenir aussi l’idée qu’elle est un mal plus supportable, peut-être même plus maîtrisable, tant que quelques isolés seulement en sont atteints, mais que le danger commun est porté à son plus haut point et que tout est perdu, dès que, entre plusieurs malheureux de ce genre, existe une communauté trop étroite. Dans le premier cas on pourrait, par un traitement approprié, tel un régime résistant à l’inflammation, et par une atmosphère salubre, atténuer les paroxysmes, et sinon [175] vaincre complètement le virus de cette maladie, du moins le diluer jusqu’à le rendre inoffensif. Mais dans le second cas, il faudrait renoncer à tout espoir de salut ; le mal ferait beaucoup plus de ravages ; il s’accompagnerait des symptômes les plus dangereux quand le voisinage trop proche d’autres contaminés l’entretient et l’aiguise chez chacun ; un petit nombre empoisonnerait alors toute l’atmosphère, les corps les plus sains seraient aussi infectés, tous les canaux par lesquels doit passer le processus de la vie seraient détruits, toutes les sèves dissoutes, et, saisis d’une même folie fébrile, c’en serait

  1. Das Gesellige ne me paraît pas tout à fait identique à die Geselligkeit : dans la signification qu’a tout le long de ce discours cet adjectif substantivé, il se mêle au sociable plus de social que dans notre « sociabilité » ; aussi le rendrai-je parfois, comme ici, par « esprit de société ».

    D’autre part, le protestant très libéral va employer le mot Gesellschaft dans des sens auxquels parfois « association » ou même « communauté » correspondraient mieux que « société ». Mais il convient de respecter l’unité de la terminologie, et je traduirai le plus souvent par « société », le mot qui est le plus généralement le mieux approprié.