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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/245

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plus, mais ils ne peuvent pourtant pas pour cela former un tout distinct et séparé, car les degrés de cette parenté augmentent et diminuent insensiblement et, [186] vu le nombre des transitions, il n’y a, même entre les éléments les plus éloignés les uns des autres, point de repoussement absolu, point de totale séparation. Prenez celle que vous voudrez de ces masses qui revêtent chimiquement[1] une forme distincte ; si vous ne l’isolez pas de force par une opération mécanique quelconque, aucune ne sera un individu ayant son individualité propre ; ses parties extrêmes seront en même temps en connexion avec d’autres, qui en réalité appartiennent déjà à une autre masse.

Si la liaison se fait plus étroite entre les êtres pieux qui se trouvent situés au même degré inférieur, il y en a aussi parmi eux quelques-uns qui ont un pressentiment de ce qui serait mieux, et quiconque est vraiment plus haut placé les comprend mieux qu’ils ne se comprennent eux-mêmes ; il a conscience du point de réunion qui leur reste caché. Si ceux-là se groupent ensemble chez lesquels règne une des deux espèces de sens[2], il y en aura cependant quelques-uns qui les comprennent toutes deux et ressortissent à toutes deux ; ainsi celui à qui il est naturel de personnifier l’Univers n’est pourtant pas du tout différent pour l’essentiel, en ce qui concerne la substance de la religion, de celui qui ne le fait pas, et il ne manquera jamais d’êtres qui peuvent facilement entrer par la pensée dans l’autre forme aussi[3]. Si l’universalité illimitée du sens est la primordiale et première condition [187] de la religion, et par conséquent aussi, comme il est naturel, son fruit le plus beau et le plus mûr, vous voyez bien qu’il ne peut en être autrement ; plus vous progressez dans la religion, plus le monde religieux tout entier doit vous apparaître comme un tout indivisible : ce n’est que dans les zones inférieures qu’on peut constater peut-être un certain penchant à la disjonction ; les esprits les plus hauts et les plus cultivés voient une communauté géné-

  1. B : organiquement.
  2. Cf. p. 185, note 21.
  3. Sur l’attitude de l’auteur à l’égard du problème de la personnalité de Dieu, cf. en particulier 124-30, 256-8, 274-5.