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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/255

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suscité une telle Église, doit être jusqu’à nouvel ordre absoute de toute responsabilité à l’égard de tout malheur que celle-ci[1] est censée avoir occasionné, et à l’égard de l’état digne de réprobation dans lequel on peut estimer qu’elle se trouve ; l’absolution doit être si complète qu’on ne peut même pas lui adresser le reproche de pouvoir tourner à quelque chose de si dégénéré, car, là où elle n’a jamais encore existé, il n’est pas non plus possible qu’elle ait dégénéré.

J’accorde qu’il y a dans cette société un pernicieux esprit de secte, et qu’il doit nécessairement s’y trouver. Là où les opinions religieuses sont utilisées pour ainsi dire comme méthode pour parvenir à la religion, elles doivent sans doute être amenées à former un tout déterminé, car une méthode doit absolument être quelque chose de déterminé et aussi de fini[2] ; et là où elle ne peut être qu’un don venant du dehors, et accepté en raison de l’autorité du donateur, là, quiconque pense autrement doit être considéré comme un perturbateur du progrès paisible et sûr, parce que par sa seule existence et les prétentions qui y sont liées, il affaiblit cette autorité. J’avoue même que, [202] dans l’ancien polythéisme, où l’ensemble de la religion n’était pas de lui-même condensé en une unité, et où elle se prêtait plus volontiers à n’importe quelle division et séparation, cet esprit de secte était beaucoup plus modéré et plus humain ; que c’est seulement aux époques, à d’autres égards meilleures, de la religion systématique, qu’il s’est organisé et montré dans toute sa force, car là où chacun se croit en possession de tout un système et d’un centre de ce système, la valeur attribuée à chaque particularité doit être beaucoup plus grande. Je reconnais l’un et l’autre fait. Mais vous m’accorderez que le premier ne peut pas du tout être l’objet d’un reproche à l’égard de la religion, et que le second ne peut en rien prouver que la manière de voir l’Univers comme système ne soit pas le degré le plus haut de la religion. Je reconnais que, dans cette société, on tient davantage à la compréhension

  1. Le dieses de l’édition Pünjer est une faute d’impression, il faut lire diese.
  2. D’après la note 14 du commentaire de 1821 il s’agit ici en particulier de la dogmatique, complément naturel de toute religion évoluée, mais qui ne doit être du ressort que des professionnels spécialisés.