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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/277

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CINQUIÈME DISCOURS

SUR LES RELIGIONS

[235] Que l’homme absorbé dans l’intuition de l’Univers doive être pour vous tous un objet d’estime et de respect, qu’aucun de ceux qui sont encore capables de comprendre quelque chose à cet état d’âme ne puisse le considérer sans éprouver ces sentiments, le fait est hors de doute. Il vous est loisible de mépriser tous ceux dont l’esprit est facilement et complètement rempli par des choses mesquines, mais c’est en vain que vous essayeriez de dédaigner celui qui aspire en lui, pour l’absorber et s’en nourrir, ce qui est de nature supérieure ; — vous pouvez aimer ou haïr chaque être humain selon que, sur la voie bornée de l’activité et de la culture, il se meut dans le même sens que vous ou dans le sens contraire, mais vous n’êtes pas libres d’éprouver un autre sentiment que l’admiration la plus haute à l’égard de celui qui [236] se trouve vous surpasser, au degré où quiconque a l’intuition de l’Univers est supérieur à ceux qui ne partagent pas cet état avec lui. Les plus sages de vos sages disent que vous devez respecter, fût-ce de mauvais gré, l’homme vertueux, qui cherche à déterminer le fini conformément à des exigences infinies selon les lois de la nature morale ; mais si même il vous était possible de trouver dans la vertu elle-même un certain ridicule, provenant du contraste entre des forces finies et une entreprise infinie, vous ne pourriez pas refuser votre estime et votre respect à celui dont les organes s’ouvrent à l’Univers et qui, éloigné de tout esprit de dispute et de contradiction[1], supérieur à toute aspiration irréalisable[2], pénétré des influences de cet Univers et devenu

  1. Kontrast, remplacé dans B par Gegensatz.
  2. Ou : à tout effort inachevable, unvollendbares Streben, le qualificatif est ajouté dans B.