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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/314

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tilité et la médiation, sont les deux faces indissolublement unies entre elles de cette intuition ; elles déterminent la figure que prend toute la substance religieuse du christianisme, et toute la forme de celui-ci. Le monde physique[1] est toujours plus fortement déchu de sa perfection et de son immarcescible beauté ; mais tout le mal, même le fait que le fini doit expirer avant d’avoir entièrement accompli le cycle de son existence, est un effet de la volonté, de la tendance [292] égocentrique de la nature individuelle, qui s’arrache partout à sa connexion avec l’ensemble, afin d’être quelque chose en soi et pour soi : la mort aussi est venue à cause du péché. Le monde moral[2], allant de mal en pis, est incapable de produire quelque chose où vive vraiment l’esprit de l’Univers[3] ; l’intelligence est obscurcie et s’est détournée de la vérité ; le cœur est corrompu et dépourvu de tout ce qui peut être titre de gloire devant Dieu ; l’image de l’Infini est effacée dans toutes les parties de la nature finie. C’est par rapport à cet état de fait que toutes les manifestations de la divine Providence aussi sont considérées ; on ne la voit pas dirigée dans son action vers les conséquences immédiates pour la sensibilité ; on ne la voit pas attentive au bonheur ou à la souffrance qu’elle dispense ; on ne la voit plus empêchant ou favorisant des actions isolées ; on ne la voit soucieuse que d’obvier en grandes masses à la corruption, de détruire sans merci ce qui ne peut plus être ramené en arrière, et de douer des créations nouvelles de nouvelles forces fécondantes tirées d’elle-même. Ainsi produit-elle des signes et des miracles qui interrompent et ébranlent le cours des choses ; ainsi délègue-t-elle des émissaires dans lesquels habite plus ou moins de son propre esprit, pour répandre des forces divines [293] parmi les hommes.

C’est de même que le monde religieux aussi est représenté. Dans son effort aussi pour connaître intuitivement[4] l’Univers, l’être fini aspire à le rencontrer, cherche toujours sans trouver et perd ce qu’il a trouvé ; toujours étroit d’esprit, toujours oscillant, toujours arrêt

  1. À ce « physique », C substituera : « spirituel ».
  2. À ce « moral », C substituera : « spirituel ».
  3. À « l’esprit de l’Univers », C substituera ici : « l’esprit divin ».
  4. B : s’unir avec.