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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/36

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quand il convient de rappeler, ce qui est le plus souvent le cas, qu’il faut entendre par là moins l’ensemble du monde apparent, matériel et spirituel, que son principe, la réalité véritable sous-jacente aux phénomènes, la substance de Spinoza plus religieusement déifiée. Nous aurons à nous demander dans quelle mesure ce principe n’est pas bien plutôt immanent que transcendant. Mais il ressort dès à présent de la façon dont il est présenté qu’il est conçu comme de nature essentiellement spirituelle. Page 27 il a été question de la « substance spirituelle » qui est à la base de toutes les religions, et dès la page 54 paraîtra, pour se répéter dans la suite une quinzaine de fois, l’expression der Weltgeist, l’esprit du monde, ou der Geist des Universums, des Ganzen, l’esprit de l’Univers, du Tout, termes qui affirment expressément la nature spiritualiste de ce panthéisme.

Une des thèses maîtresses de Schleiermacher, énoncée déjà à la fin du premier discours, et qui va maintenant se compléter, se préciser et se nuancer, pages 41-50, c’est que la religion est dans son essence absolument distincte de la métaphysique et de la morale, et qu’elle en est non moins absolument inséparable. Elle a en effet pour fonction propre, fonction indispensable autant qu’auguste, de les compléter l’une et l’autre, en les reliant à l’Univers par l’intuition directe qu’elle a de celui-ci, intuition qui est le principe même sur lequel elle repose, elle, et qui leur fait défaut à toutes deux. La confusion qu’on constate dans les religions positives entre ces trois éléments est naturelle. En effet, religion, métaphysique et morale ont le même objet : l’Univers, et le rapport de l’homme avec lui. Elles ont le même objet. Mais leur but est différent, et il importe de se rendre compte de ces différences.

La métaphysique se propose de déduire l’univers, de remonter aux causes premières, de démontrer la nécessité du réel. La religion n’a pas à fournir de telles explications. Mais son intuition complète les déductions de la métaphysique ; elle en est un complément indispensable. La métaphysique en effet, avec sa dialectique, n’atteint pas la réalité véritable, déclare Schleiermacher, en termes qui semblent bien viser directement, formellement, l’idéalisme de Fichte. « Votre philosophie transcendantale », dit-il à ses amis romantiques, « déduit la nécessité du réel » (elle en déduit