Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/51

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la plus expressive dans son mémorable « c’est vers l’intimité du dedans que va la voie mystérieuse ».

Mais d’autre part, dans l’âme individuelle même, c’est des relations humaines inter-individuelles que naissent ces sentiments et ces notions, et leur naissance a pour condition que l’amour du prochain révèle à chacun la parenté qui fait de l’ensemble des humains l’humanité. Il doit donc y avoir, comme nous avons eu déjà l’occasion de le dire, alternance de repliement sur soi et d’expansion hors de soi, de systole et de diastole suivant la terminologie usuelle de Goethe, chez qui cette idée a une si constante importance, de même que, sur un plan très général, celle de contraction et d’expansion chez les mystiques et chez Schelling.

L’humanité ainsi saisie dans son ensemble par l’amour est un aspect, plus révélateur que ne l’est la nature inanimée, de l’infinie richesse du principe divin de création et de vie. À la condition il est vrai de considérer avec sympathie l’infinie diversité des individus qui la composent.

En présence de cette diversité des individus et de l’harmonieuse totalité humaine, devant l’évolution progressive de cette humanité, et son histoire, qu’il doit étudier ainsi que Herder vient de convier à le faire, l’homme a, plus encore que devant les spectacles de la nature, l’intuition du principe éternellement vivant et infiniment créateur de l’Univers. Cependant il ne doit pas plus s’arrêter à la vision de l’humanité qu’à celle de la nature, car, si capable de diversification et de progrès soit-elle, la première comme la seconde n’est pas encore, même dans les manifestations de la vie morale, pages 107-108, même dans les œuvres par lesquelles ses libres initiatives prolongent la création divine, page 65, l’humanité n’est pas l’impossible réalisation des possibilités infinies de l’Univers.

Par delà la nature, par delà l’humanité, la religion pressent le surgissement d’actualisations toutes nouvelles de la virtualité infinie. « Toute religion tend, à pressentir quelque chose en dehors et au-dessus de l’humanité » (page 105). Mais ce n’est là qu’un pressentiment, et si romantique qu’il soit, le théologien ne veut pas prévoir que, dans cet au-delà de la nature et de l’humanité, l’homme puisse avoir l’intuition directe du principe des choses, du Divin, de Dieu, mieux que dans l’Univers lui-même, où ce Divin est immanent, et