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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/74

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expressément pour telle. Il se reconnaît très honnêtement incompétent en la matière. S’étant posé la question ; comment le sens de l’art peut-il se transformer de lui-même en religion ? il répond : « je ne le vois pas, c’est en moi une lacune dont je souffre », et il regrette que cette possibilité reste pour lui un mystère. Il faut savoir apprécier le mérite d’un tel aveu. Il aurait été facile à un « virtuose », tel qu’il peut en être un, de broder de chic des variations sur le thème avantageux que lui fournissaient Wackenroder et Tieck, les Schlegel et Novalis. La modeste simplicité dont fait preuve ici Schleiermacher peut contribuer à inspirer confiance dans le sérieux de toutes les convictions qu’il exprime. La religion, dans ses Discours, fait trop souvent l’effet d’une religiosité esthétique plutôt que d’une religion positive, et dans l’interprétation qu’ils en donnent, les historiens du romantisme et de la religion se laissent assez souvent entraîner trop loin par cette impression. D’autant plus importante et digne de remarque est la réserve qu’il formule expressément à cet égard dans cette page.

Dès le début de ces Discours d’ailleurs, il a exposé sa thèse qui est, contrairement à l’idée de ses amis, que la science et l’art ne peuvent pas remplacer la religion : celle-ci est supérieure, d’un ordre à part. Les passages que nous venons de commenter n’infirment pas cette doctrine. L’auteur n’y tient pas compte, il est vrai, de la distance, au point de vue de l’action morale exercée, entre le culte du beau et celui d’un Dieu comme le Dieu chrétien. Mais il parle ici de l’Infini, du Divin en soi, non du Dieu chrétien. Et sur ce plan général, il s’arrête à l’idée, en grande partie justifiée, d’une parenté entre ce Divin et le beau, entre la religion et l’art. Il ne va pas jusqu’à l’identité, qui permettrait seule une équivalence entre eux.

En somme, devant ce problème des rapports entre art et religion, il salue dans le premier un précieux auxiliaire de la seconde. Il ne pose pas le culte du beau comme un substitut de la religion véritable.

Le théologien est d’ailleurs tout disposé à accepter la collaboration de l’art si elle peut aider à revivifier la vraie religion. Dans la dernière page, 172-173, de ce discours, après avoir rappelé le concours qu’apportent à cette restauration la philosophie et la science, il fait appel aussi à l’aide