Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/84

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la naissance de sa foi, aux circonstances de fait, historiques donc, au sens propre du mot, qui ont déterminé la forme qu’elle a prise. Assurément, de nouvelles circonstances qui surviennent modifient cette forme première, car tout ce qui agit sur l’homme agit sur ses croyances. Celles des héros et des martyrs primitifs seront dans la suite souvent bien altérées. Encore une fois, c’est inévitable « quand l’Infini revêt une forme imparfaite et limitée » (page 246). Les religions positives sont nécessairement des défigurations de la religion pure, car celle-ci y est troublée par le mélange d’éléments qui lui sont étrangers, et proviennent de l’état général des esprits dans les diverses civilisations où elles sont nées, se développent et évoluent.

De là les traits qui, chez elles, rebutent ceux qui n’y reconnaissent pas la religion pure dont ils se font une idée plus haute. Ils ont tort. Ils devraient tenir compte de la nécessité de l’altération que tout idéal subit en se réalisant. Au lieu de s’arrêter à ces adultérations, qu’ils étudient ces religions, par le dedans, suivant le conseil général dont Schleiermacher fait ici une application pertinente. Qu’ils sachent remonter au moment générateur, à l’intuition primordiale, originale, d’où découle toujours une religion positive. Ils retrouveront alors en elle ce qu’elle réalise, ce qu’elle incarne, — il dit de préférence « ce qu’elle représente » — sous une forme finie, de la vraie religion, dont rien ne vit dans la religion dite naturelle.

Ce que Schleiermacher pense des religions positives par rapport à la religion pure, il le pense de même de la foi individuelle des croyants à l’égard du credo commun auquel il se rattachent. Il leur laisse la plus grande liberté dans l’adaptation de celui-ci à leur intuition personnelle de l’Infini. Autant il est sévère à l’endroit du prosélytisme qui tourne si souvent à la persécution de ceux qu’on ne parvient pas à convaincre, autant il est plus qu’indulgent, favorable à l’hérésie : « mot qui devrait être remis en honneur », pages 260-261. Nous avons vu quelles restrictions très importantes il faudrait apporter à la formule « autant de religions que d’individus », si l’on voulait, comme on en est parfois tenté, résumer ainsi sa théologie. Le fond, de sa pensée, c’est que toute croyance, collective ou individuelle, pour constituer une religion vraie, réelle, vivante, doit se rattacher à