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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/89

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réponse à cette question cruciale : la divinité du Christ est-elle une foi subjective ou un fait objectif ? Pourtant, dans sa Dogmatique de la même année, la pensée du théologien est précisée.

Ainsi, dans les Discours, le Christ est présenté comme le Médiateur par excellence, mais non comme le Médiateur unique. De plus, il y a un aspect de cette médiation qui est essentiel dans le christianisme positif et dont ces discours ne disent pas un mot.

La médiation du Christ, dans le christianisme positif, ce n’est pas, loin de là, le message de la nécessité d’un tel intermédiaire ; c’est bien plutôt le sacrifice de la vie sur la croix, par lequel le Fils de Dieu a été le médiateur effectif, le Rédempteur, celui qui a racheté, sauvé l’humanité condamnée, perdue, en satisfaisant aux exigences de la justice divine. De cette médiation-là, de ce sacrifice, de ce rachat, du Christ Sauveur, Schleiermacher ne dit pas un mot. Nous ne devrions pas en être surpris, si nous nous souvenons des premiers doutes avoués par l’adolescent à son père, dans sa lettre du 21 janvier 1787. Il déclarait alors déjà ne pas pouvoir croire que Dieu, qui manifestement n’a pas créé les hommes parfaits, puisse exiger d’eux la perfection, et pour pouvoir leur pardonner leurs fautes, ait besoin de leur rachat par la mort de son propre fils. Pas plus en 1799 qu’en 1787 il n’admet le principe même de la Rédemption, et tout le plan divin dans la conception et l’exécution duquel elle constitue le tournant capital.

Ce problème de la Rédemption, capital aux yeux de l’orthodoxie protestante aussi bien que catholique, est probablement de ceux, comme celui du plan divin de la création et de ses suites, dans lesquels Schleiermacher, à cette époque, voit des questions plus métaphysiques que religieuses, et dont la piété peut, d’après lui, ne pas s’embarrasser. Il en viendra à le traiter, dans sa Dogmatique de 1821, d’une façon approfondie et très personnelle. Pour le moment, il lui suffit de sentir dans le Christ le libérateur du mal, le Sauveur du monde, par l’exemple que sa vie et sa mort ont donné aux humains.

Ce sentiment, qui s’exprime avec force dans les pages finales des Discours, est ce qui peut le mieux permettre de comprendre et d’admettre l’omission, la lacune signalée ici.