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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/93

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tels, débattus dans des dispositions cependant assez différentes, au Schleiermacher de ces deux périodes, qui paraissent tels aussi, à les considérer, non en théologien, mais du point de vue de l’histoire générale des idées.

Il n’est plus ou presque plus question, dans la Foi chrétienne, de l’intuition de l’Univers qui était à la base de la religion dans les Discours. Cette intuition est remplacée ici par un sentiment, le sentiment de la piété. La prédominance de ce sentiment est décrétée dès le début, I, page 6, en ces termes : « La piété, qui constitue la base de toutes les communautés religieuses n’est, considérée en elle-même, ni un savoir, ni un faire, mais un état déterminé du sentiment ou de la conscience immédiate de soi-même. » Nous aurons à voir tout à l’heure ce que c’est que cette conscience immédiate de soi-même. Il faut s’arrêter d’abord à cette déclaration que la base de la religion est avant tout, non une connaissance de l’esprit, non une activité de la volonté, mais un sentiment. Nous voyons reparaître ici une des idées directrices des Discours, qui s’exprimait là dans la formule : la religion n’est ni une métaphysique ni une morale, elle est intuition de l’Univers. Ici, la pensée est plus nuancée, mais reste la même, telle qu’elle s’exprime dans les pages suivantes 6 à 14. Il y a un « savoir » chrétien, une conscience relative aux croyances et dogmes qui dérivent du sentiment pieux ; il y a un « faire » chrétien, l’activité dont le moteur est ce sentiment pieux. La piété se prolonge dans cette connaissance et cette activité, elle en est le principe. Mais elle en reste distincte, elle existe en soi et pour soi. C’est dans cette existence propre qu’elle constitue la religion, à la fois base et couronnement de la métaphysique et de la morale. Schleiermacher reconnaît donc dans la Foi chrétienne, mieux que dans les Discours, le rapport entre religion d’une part, métaphysique et morale d’autre part. Il continue cependant à voir l’élément fondamental et central de la religion, non dans une connaissance ou une activité, mais dans ce qui était jadis une intuition, ce qui est à présent un sentiment.

Ce sentiment, dans la première édition des Discours, ne faisait qu’accompagner l’intuition de l’Univers, et la notion en était assez vague ; il avait, fait singulier, plutôt perdu en précision, mais un peu gagné en indépendance dans la