Aller au contenu

Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et en particulier de l’humanité. Ce fait est important en lui-même et par ses conséquences. Une de ces conséquences, à laquelle, comme je l’ai dit, le théologien ne semble pas avoir accordé l’attention qu’elle mérite, est qu’un tel plan implique une certaine personnalité de Dieu. Une autre, dont il tient compte comme il convient, est le problème que l’existence d’un tel plan pose au sujet du mal. Si Dieu, conçu comme tout puissant et tout bon, a créé le monde suivant un plan, comment expliquer que le mal, physique et moral, occupe une si grande place dans son œuvre ?

Nous avons vu que, dans sa période romantique, Schleiermacher semble tenir assez peu compte du péché, et paraît disposé à atténuer le rôle du mal. On peut voir là, ai-je indiqué, un effet et de sa nature physique et morale, et de ses idées sur le rapport entre l’Infini et ses manifestations finies. Quoi qu’il en soit, son expérience personnelle accrue d’homme et de pasteur, et peut-être l’expérience collective des Allemands durant les années de guerre, l’ont probablement mieux éclairé sur l’étendue et la gravité de ce problème. La notion du mal, et celle corrélative du péché, prennent donc progressivement dans sa pensée et dans sa doctrine une place plus proportionnée à celle qu’elles occupent normalement dans la religion chrétienne. Cette préoccupation le rapproche ainsi du christianisme positif.

Sur l’origine du péché et du mal, Schleiermacher estime que nous ne pouvons rien savoir (La Foi chrétienne, § 61, I, p. 314-326). D’après lui, le récit de la chute dans la Genèse, si même on admet qu’il ait une valeur historique, ce que le théologien n’est point disposé à accepter, présente comme des faits qu’il n’explique pas ce qui, précisément, appelle le plus une explication, en particulier la formation chez l’homme de la connaissance de Dieu. L’exégète écarte donc ce récit, et avec lui, la notion de la chute. Au mystère posé dogmatiquement par la tradition biblique, il oppose un fait, établi psychologiquement et historiquement démontrable, un fait d’expérience. C’est sa méthode constante, l’esprit même de sa méthode. Il entend tabler, ici comme toujours, non sur une tradition extérieure discutable, mais sur l’expérience interne certaine.

Il part donc de la constatation d’un état de péché de l’humanité, état de péché conçu comme opposition de la