Page:Schlick - Gesammelte Aufsätze (1926 - 1936), 1938.djvu/154

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Cette déduction sceptique a d’ailleurs été faite par bon nombre d’historiens, et même certains philosophes sont arrivés à la conclusion qu’il n’existe pas de progrès philosophique, et que la philosophie elle-même n’est rien d’autre que l’histoire de la philosophie. Ce point de vue a été défendu par plus d’un philosophe au début du siècle et a été appelé « historicisme ». Que la philosophie ne consiste qu’en sa propre histoire est un point de vue étrange, mais il a été prôné et défendu avec des arguments apparemment frappants. Cependant, nous ne serons pas obligés d’adopter un point de vue aussi sceptique.

Nous avons jusqu’à présent envisagé deux solutions possibles auxquelles on peut croire. Premièrement, que la vérité ultime est réellement présentée dans un système philosophique et deuxièmement, qu’il n’y a pas de philosophie du tout, mais seulement une histoire de la pensée. Je ne propose pas ce soir de choisir l’une ou l’autre de ces deux solutions, mais j’aimerais proposer un troisième point de vue qui n’est ni sceptique ni fondé sur la croyance qu’il peut y avoir un système philosophique quelconque en tant que système de vérités ultimes. J’ai l’intention d’adopter une vision entièrement différente de la philosophie et je pense, bien sûr, que cette vision de la philosophie sera un jour ou l’autre adoptée par tout le monde. En fait, il me semblerait étrange que la philosophie, la plus noble des recherches intellectuelles, la formidable réalisation humaine qui a si souvent été appelée la « reine des sciences », ne soit rien d’autre qu’une grande tromperie. Il semble donc probable qu’une troisième vision puisse être trouvée par une analyse minutieuse et je crois que la vision que je vais avancer ici rendra pleinement justice à tous les arguments sceptiques contre la possibilité d’un système philosophique et ne privera pourtant pas la philosophie de sa noblesse et de sa grandeur.

Bien entendu, le simple fait que jusqu’à présent les grands systèmes philosophiques n’aient pas réussi et n’aient pas été capables d’obtenir une reconnaissance générale n’est pas une raison suffisante pour ne pas découvrir dans l’avenir un système philosophique qui serait universellement considéré comme la solution ultime des grands problèmes. On pourrait en effet s’attendre à ce que cela se produise si la philosophie était une « science ». Car, en science, nous voyons continuellement que des solutions satisfaisantes et inattendues à de grands problèmes sont découvertes, et lorsqu’il n’est pas possible de voir clairement un point particulier d’une question scientifique, nous ne désespérons pas. Nous croyons que les futurs scientifiques auront plus de chance et découvriront ce que nous n’avons pas réussi à découvrir. À cet égard,