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Page:Schlick - Gesammelte Aufsätze (1926 - 1936), 1938.djvu/190

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des faits nouveaux, voire n’importe quel fait. Un écolier ouvre son exemplaire de l’Anabase de Xénophon et en lisant la première phrase du livre, il apprend le fait, entièrement nouveau pour lui (supposons-le), que le roi Darius avait deux fils. Il sait quel fait particulier est exprimé par cette phrase particulière, bien qu’il n’ait jamais rencontré cette phrase auparavant et qu’il n’ait certainement pas connu ce fait auparavant. Il ne peut donc pas avoir appris que l’un correspond à l’autre. Il est nécessaire de conclure que la proposition et le fait qu’elle exprime doivent naturellement ou essentiellement correspondre l’un à l’autre, ils doivent avoir quelque chose en commun. C’est cette caractéristique commune qu’il nous faut découvrir.

Presque chaque jour de notre vie, nous apprenons les faits les plus importants en regardant des rangées de petites marques noires d’une variété très limitée de formes. Et cette variété peut être réduite à une étonnante simplicité : l’alphabet Morse parvient à exprimer toute pensée qui a jamais pénétré ou pénétrera jamais dans l’esprit humain au moyen des signes les plus simples, un point et un tiret.

Comment cela se fait-il ? Qu’est-ce qui rend l’expression possible ? Une première réponse semble se présenter sans difficulté : c’est évidemment l’arrangement, l’ordre particulier ou la combinaison des signes qui constitue l’essence du langage. C’est parce qu’un nombre limité de symboles peut être arrangé d’un nombre illimité de façons différentes que n’importe quel ensemble de symboles peut être utilisé pour exprimer n’importe quel fait. Je pourrais utiliser une chaise dans ma chambre, par exemple, comme un moyen de dire tout ce qu’il me plaît. Tout ce que j’ai à faire est de choisir un certain nombre de positions différentes de la chaise dans la pièce et de convenir que chacune d’entre elles correspondra à une lettre de l’alphabet. Par cet accord, j’aurai construit un nouveau langage qui consistera à changer la position de la chaise ; et en la déplaçant dans la pièce, je pourrai exprimer toutes les pièces de Shakespeare avec la même perfection que les meilleures éditions imprimées.

Le même ensemble de signes qui a servi à décrire un certain état de choses peut, par le biais d’un réarrangement, servir à décrire un état de choses entièrement différent, de telle sorte que nous connaissons la signification de la nouvelle combinaison sans qu’elle nous soit expliquée. Cette dernière propriété est le point important qui distingue l’Expression de la simple Représentation ; c’est le seul point essentiel.