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Page:Schlick - Gesammelte Aufsätze (1926 - 1936), 1938.djvu/37

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et le rouge dont un autre fait l’expérience (par exemple lorsque nous regardons en même temps le même objet rouge) sont la même couleur, que cette question est tout simplement sans réponse. Il n’existe pas de méthode, il n’y en a pas de concevable, qui permettrait de comparer les deux rouges et de trancher la question. La question n’a donc pas de sens précis, je ne peux pas expliquer ce que je veux dire quand j’affirme que deux individus différents ont des expériences vécues qualitativement identiques. La question est de savoir si l’on doit qualifier de telles questions, qui n’admettent en principe aucune réponse, de dénuées de sens, ou si l’on doit dire qu’elles ont un sens, mais que nous ne pouvons pas l’indiquer. Quoi qu’il en soit, il serait inutile de soulever de telles questions en sciences ou en philosophie, car il est inutile de poser des questions dont on sait qu’elles ne peuvent recevoir de réponse.

Parmi ces questions, il y a aussi celle de savoir si, dans l’exemple donné, l’autre personne a une expérience des couleurs, voire une expérience quelconque, une conscience ; en d’autres termes, la question de l’existence du moi étranger. Il y a aussi le problème de l’« existence » d’un monde extérieur en général. Ce qu’est l’existence, ce qu’est la réalité, ne peut être formulé conceptuellement, ne peut être exprimé par des mots. Bien sûr, il est possible d’indiquer des critères qui permettent de distinguer, dans la science et dans la vie, ce qui « existe réellement » de ce qui n’est qu’une « apparence » — mais dans la question de la réalité du monde extérieur, on sait qu’il s’agit de quelque chose de plus. Mais ce qu’est vraiment ce plus, ce que l’on veut dire quand on attribue l’existence au monde extérieur, est en tout cas totalement inexprimable. Nous n’avons rien contre le fait d’attribuer un sens à une telle question, mais nous devons affirmer avec force que ce sens ne peut pas être donné.

Cependant, nous constatons que les philosophes se préoccupent continuellement de problèmes de ce genre, et nous affirmons que l’essence même de ces questions correspond parfaitement à ce que l’on avait l’habitude d’entendre depuis toujours par métaphysique. Mais ces questions proviennent du fait que l’on prend à tort pour le contenu possible d’une connaissance ce qui ne peut être que le contenu d’un savoir, c’est-à-dire du fait que l’on essaie de communiquer ce qui par principe n’est pas communicable, d’exprimer ce qui n’est pas exprimable.