Page:Schlick - Gesammelte Aufsätze (1926 - 1936), 1938.djvu/430

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c’est Socrate. Ce fut le premier qui enseigna à ses disciples l’art de poser des questions justes. Volontairement, il prit le contre-pied des philosophes naturalistes de Thalès à Anaxagore, non pas qu’il sous-estimât la physique, mais parce qu’il se rendait compte qu’on ne pouvait l’aborder avec les moyens primitifs de ces penseurs (faute d’une façon correcte de poser les questions). Sciemment, il prit le contrepied des métaphysiciens, c’est-à-dire de l’école d’Élée, auxquels il reprochait le sens qu’ils conféraient aux mots qui figurent dans leurs problèmes les plus importants, comme on peut l’inférer d’un passage du „Sophiste“ de Platon. Platon, en parlant de ses prédécesseurs, dit, dans ce passage, qu’ils se sont efforcés de déterminer la nature propre de l’être, à savoir, s’il était un ou double ou composé de quatre éléments, etc. ; lui, par contre, voudrait bien savoir ce qu’ils voulaient dire en déclarant que ces choses constituent la réalité (243) ? Dans le même passage, il fait dire à l’étranger (244) : „Comme nous sommes dans un tel embarras, il faut que vous nous donniez des explications suffisantes sur ce que vous pensez réellement quand vous vous servez de l’expression être (ὄν)”. Socrate fut le premier vrai philosophe. Il ne fut pas naturaliste comme les anciens Ioniens. Il ne fut pas „savant et journaliste“, suivant l’expression de T. H. Gomperz, comme les sophistes ; il ne fut pas métaphysicien comme les penseurs d’Élée ; il n’était pas mystique comme les Pythagoriciens. Mais il fut un chercheur du sens des propositions et particulièrement de celles à l’aide desquelles les hommes jugent mutuellement leur comportement moral. Il s’aperçut, en effet, que ce sont précisément ces propositions, les plus importantes apparemment pour la conduite de la vie, qui sont les plus incertaines et les plus difficiles, et que la raison en est qu’on n’accorde aux propositions morales aucun sens clair et univoque. En effet il en est de même encore de nos jours, sauf en ce qui concerne le sens des propositions, qui sont confirmées ou infirmées sans cesse par nos expériences quotidiennes : p. e., celles qui traitent des ustensiles, de la nourriture, des nécessités et des commodités de l’existence humaine. Au contraire, dans les choses d’ordre morale règne aujourd’hui la même confusion qu’au temps de Socrate. C’est ce que confirme un simple regard jeté sur l’état actuel de l’humanité ; et un simple regard sur la métaphysique actuelle révèle qu’il y a des propositions à l’intérieur de la science ou tout au moins à sa périphérie qui ne sont pas encore comprises de beaucoup de gens et sur lesquelles peut-être aucune unanimité n’est encore faite. La