Il n’y a pas de mal à ce que la formulation littérale dont Kant revêtait sa définition des propositions analytiques ne nous satisfasse plus aujourd’hui. La conception de la proposition de la contradiction, que Husserl qualifie ici comme un « principe évident », est d’ailleurs beaucoup plus psychologisante chez lui que chez Kant.
Un énoncé analytique est un énoncé qui est vrai en raison de sa simple forme ; celui qui a compris le sens d’une tautologie a en même temps reconnu sa vérité ; c’est pourquoi elle est a priori. Mais pour un énoncé synthétique, il faut d’abord en comprendre le sens, et ensuite déterminer s’il est vrai ou faux ; c’est pourquoi il est a posteriori.
Demandons-nous d’abord par quel chemin Kant est parvenu à la liaison indissoluble de l’a priori avec le formel. Son point de départ était en effet l’étonnement devant l’existence, dont il n’a jamais douté, de jugements synthétiques et pourtant universellement valables dans les sciences exactes. Et tout le travail de la Critique de la raison pure fut consacré à résoudre la question de savoir comment cela était possible. Il trouvait tout à fait impossible que ces jugements prétendent dire quelque chose sur la matière de l’expérience, et la seule solution qui se présentait à lui pour son problème, au prix d’innombrables efforts, était que la validité a priori de ces jugements ne pouvait devenir compréhensible que s’ils n’exprimaient rien d’autre que la forme de l’expérience, que la conscience imprime à toute connaissance.
L’identification de l’a priori et du formel n’était donc pas pour Kant une condition ou un préjugé, mais un résultat auquel il se voyait conduit par la force des choses et pour ainsi dire contre son instinct rationaliste. S’il commettait ainsi une erreur, le problème de la possibilité des jugements synthétiques a priori restait irrésolu. Celui qui s’accroche à l’existence de tels jugements et rejette la solution de Kant doit donc considérer comme sa tâche la plus importante de donner une autre solution. Or, les phénoménologues ne croient pas seulement à ces jugements si étonnants pour la connaissance, mais ils ont un champ d’action encore plus large que celui de Kant. Ils auraient donc certainement l’obligation d’expliquer leur possibilité. Ils n’ont aucunement essayé de le faire, ils ne sont apparemment pas du tout préoccupés par la problématique à laquelle la Critique de la raison pure doit son origine. Ils ont soit oublié la question, soit semblent