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Page:Schneider - Botticelli, Laurens.djvu/88

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BOTTICELLI.

les embrassent, avant de les enlever au Paradis, et tel est, dans l’affolement du dessin, l’élan des messagers et des élus, qu’ils perdent l’équilibre : leurs attitudes sont un défi aux lois naturelles, comme le sommeil en boule de Joseph et l’inclinaison de Marie. Pour la première fois les phylactères écrits apparaissent, les diablotins fuient dans les fissures des rocs : double archaïsme encore repris au Trecento. Les rochers à arêtes dures, tailladés à coups de pinceau, encadrent de sécheresse cette Nativité : avec les démons cornus ils feraient prévoir, en plein Noël, l’enfer, si là-haut la ronde des anges, rameaux du triomphe de Savonarole à la main, ne chantait « celestamente ballando » le gloria in excelsis. Dans le Couronnement aussi ils tournaient dans les airs, enlacés, et chantaient dans une pluie de roses. Peut-être Botticelli a-t-il pris ce motif des danses organisées en 1496 et 1497, autour du bûcher des vanités, par des adolescents vêtus comme des anges. Toujours est-il que c’est le dernier souvenir de la Primavera : quelque chose des Grâces et de la grâce d’autrefois s’est perpétué en eux, et le dessin pour un instant se reprend à parapher et à danser des rondes, lui aussi, autour de leurs corps flexibles ; leurs robes flottent aux souffles du Paradis.

De Savonarole à Dante, c’est aller de prophète en prophète. Botticelli, surtout depuis son retour de Rome, écoulait volontiers les voix d’outre-tombe qui parlaient à Florence de l’au-delà. Florentin, platonicien, médicéen naguère, mystique désormais, il fallait qu’il prêtât son art au Livre intégral, à la Somme de la cité. Il avait probable