Page:Schoebel - Étude sur le rituel du respect social dans l’état brahmanique.djvu/22

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mot Nirriti[1], et nombre de fois ailleurs dans le cours de l’ouvrage[2].

Il y a là une si grande inconséquence qu’on ne sait comment la concilier avec l’esprit linguistique d’ailleurs si pénétrant des Hindous. En effet, grâce à cet instrument d’analyse qu’ils avaient créé par la distinction du son articulé, çabda, et du mot grammatical, pada, qui exprime le sens (artha) de la chose nommée, chaque pada a son çabda, qui est sa matrice. La tâche de l’étymologiste ne consiste donc qu’à ramener le pada, avec ses formes variées que les vues multiples de l’esprit tendent incessamment à lui imposer, au type matériel auquel il se rattache par les liens matériels des voyelles et des consonnes. C’est à peu près comme en métaphysique religieuse, où la connaissance du çabda Brahma doit précéder celle de l’essence Brahma, de sorte qu’on arrive par les diverses formes du Brahma-mot, qui est le texte matériel du Véda, au sens du Brahma spirituel, qui est la doctrine du Véda[3].

Maintenant, on pourrait demander pourquoi bhôs, qui est un nom sur lequel la grammaire a déjà travaillé, est nommé ici çabda ? À cela on peut répondre que c’est parce qu’il se présente comme une interjection, et la nature de l’interjection est bien

  1. La dérivation qu’il donne de Nirriti en tant que déesse de la mort, en ramenant ce mot à निरम् se réjouir, jouer, rappelle la pensée qu’Horace exprime dans ces vers :

    Fortuna, saevo lœta negotio, et
    Ludum insolentem ludere pertinax
    … (Horat. Car., III, ode 29).

  2. Voy. p. ex. pour le mot parva. (Ibid. 1, 20). C’est ainsi que dans le Râmâyana, I, 46, çl. 28, le mot Asura ennemi de Dieu (ancient, le possesseur de la vie) est dérivé pour la circonstance de sura, (liqueur enivrante.)
  3. Voy. Rikprâtiçâkhyâ, par A. Regnier, Journ. asiatique, 1856, t. VII, p. 180.