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Efficace au premier chef, elle eut le pouvoir d’abolir les sacrifices humains[1]. Le brahma sera la cheville ouvrière d’une évolution sociale, qui ira de l’état féodal au régime théocratique des castes, à une théorie sui generis, et y cristallisera la société. Ce sera, toutefois, à la condition préalable et sine qua non d’altérer la vénérable antiquité des documents védiques. Autrement, comment instituer sur une autorité incontestée la prééminence de la religion nouvelle ? Les innovateurs furent aussi habiles en philologie archaïque qu’en politique religieuse. On sent leur main, sans pouvoir toujours la saisir, dans presque tous les hymnes. Il y a là, pour les indianistes, du pain sur la planche pendant des siècles.

Ce qui est certain, c’est que les brâhmanes, ainsi nommés et bien nommés d’après brahma, leur invention, réussirent avec leur instrument mystique à brouiller assez les intelligences pour que la forme de la société visée par eux se trouvât un beau matin réalisée dogmatiquement avec l’apparition d’un certain hymne[2], qui apprenait aux intéressés que le régime des castes faisait partie intégrante de la création du monde, d’un monde qui est le corps de Brahmâ. « Purusha est le Tout ; (il est) ce qui est et ce qui sera[3]. » Le régime prit, ainsi, en principe, le caractère du fatalisme théologique qu’il a conservé sans altération à travers les âges : Sit ut est, aut non sit ! Rien de nouveau sous le soleil.

Mais soyons juste, et n’oublions pas que si les brâhmanes furent les créateurs de l’institution, les agissements philosophiques et sociaux des ksha triyas l’avaient préparée et que, en germe, elle s’était trouvée dans les aspirations et tendances panthéo-particularistes des viças. On peut dire que toutes les forces vives de la société aryenne avaient conspiré pour que l’habile ambition des prêtres bhâratides réussit dans son dessein. Cependant, lorsque, indéracinablement ancré dans le corps du Panthée, le régime eut sorti toutes ses conséquences, il parut si dur à porter à tout le monde, les brâhmanes exceptés, que l’appel indirect du kshatra de Kapilavastu à le secouer trouva un écho favorable dans un si grand nombre d’esprits qu’il faillit périr sous les ruines mêmes du brâbmanisme, comme Troie périt sous les siennes.


III. Époque brâhmano-buddhique.

Aucun auteur buddhiste n’a jamais contesté que le régime des castes ne fût déjà en pleine floraison au temps de Çâkya, au vie siècle avant

  1. C’est au moins ce qu’on est en droit de conclure de I, 24, où, désarmé par le brama, Varuna délivre Çunabçepa, déjà lié à trois colonnes, pour être sacrifié. V. st. 11 de l’hymne, vol. I, 249. Cf. ib. V, 2,7 ; III, 265.
  2. R. V., X, 90.
  3. Ibid., st. 2 ; VI, 243 : Purusha evedan sarvam yad bbûtam yac ca bhavyam.