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présidence de Madras, les çûdras se trouvent actuellement groupés en treize sous-divisions[1]. C’est une rage de s’isoler, de se particulariser et d’opposer à n’importe quelle demande de service la réponse : ma caste me le défend. Cela va si loin, que le Najadi des Ghattes et l’aborigène sauvage du Nilghiri, le Badiga, si abjects qu’ils souillent le brâhmane à 74 pas de distance, se divisent encore entre eux et se claquemurent en un nombre de castes considérable, que le docteur Jagor pour les Badigas, qui ne sont pourtant que quelques milliers, estime atteindre le chiffre quatorze[2]. On voit par là que le nombre quatre, qui est le nombre révélé des castes n’a plus guère d’autre valeur que de ranger théoriquement les innombrables castes qui existent sous quatre rubriques générales. Et encore ces quatre rubriques se réduisent par le fait à deux, celle des brâhmanes et celle des çûdras. « The casts of Chatriya and Vaisya, dit Kennedy, are almost universally admitted to be extinct, and that the population of India now consists entirely of Brahmans, Sudras, and the mixed casts[3]. » Il est certain, dans tous les cas qu’aucun Indien se disant kshatra ou vaiçya ne pourrait prouver son dire et démontrer sa filiation. Au surplus il n’y a pas deux corporations, dit le docteur Cornish, sur les conditions castales desquelles les indigènes eux-mêmes s’accordent : « it is a subject upon whish no two divisions, or sub-divisions, of the people themselves are agreed[4]. » Cela n’empêche que tout Indien ne croie connaître son gotram, la souche de laquelle, suivant lui, il provient ; mais c’est une autre affaire après tout ; il s’agit là d’origines ethniques. C’est que, chaque caste, dans le Midi principalement, se regarde comme un peuple distinct, ce qui explique pourquoi on y entend si souvent le chef de caste appelé deçâdi, chef de pays[5].

Mais peu importe ; malgré toutes ces variations et divergences qui nous disent clairement que la nature n’abdique jamais ses droits, que, dans l’espèce, elle a pris sa revanche d’un système artificiel en son expression dogmatique par le mélange des castes d’abord, puis par un inextricable réseau d’associations et de corporations ; les formes canoniques inscrites dans le Statut que créa la vertu du Tout-Puissant[6] quoique rompues et morcelées de mille manières, de telle sorte a que le système est devenu un chaos[7], et qu’une vie entière ne suffirait pas

  1. Cornish, Report, etc. I, 117.
  2. Jagor. Ostindisches Handwerk und Gewerbe, p. 15. — Le Najadi est au-dessous du Paria, dont la présence ne souille le brâhmane qu’à la distance de 64 pas. (V. Graul ; l. c. I, 228, 240, 244 et l’art. 63 de l’Anatcharam, p. 332.)
  3. Vans Kennedy, dans Transactions of the Literary Soc. of Bombay, III, p. 148 ; 4e 1823. The Calcutta Review, 1851, p. 62.
  4. Cornish, Report, etc., 116.
  5. Soltykoff, Voy. dans l’Inde, I, 110 ; — Ethnogr. drâvidienne, l. c. p. 117.
  6. Prajâpatir idan çâstran tapas alva srijat prabhuh. (Mân., XI.)
  7. Jacquemont, l. c. I, 181.