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riah blanc[1]. Mais la valeur du dicton est toute rétrospective, en ce que, originairement, la caste brâhmique se distinguait par sa blancheur, même parmi les Aryas du nord de l’Inde. Et généralement, il en est encore ainsi dans l’Hindoustan, de sorte que là un brâhmane se reconnaît facilement au milieu des individus des autres castes. La blancheur de son épiderme ne contribue d’ailleurs pas peu à lui donner le sentiment de sa supériorité sociale, et à relever son air et son maintien par on ne sait quoi de plus aisé et de plus digne qu’il n’est possible de l’affecter aux autres classes.

Pour ce qui est de la caste des kshatriyas, on la cherche en vain depuis le temps reculé déjà que l’ambition de dominer lui a suscité dans les vaiçyas et surtout dans les çûdras des compétiteurs à ce pouvoir royal que, suivant la loi, elle est seule en droit de posséder. Déjà antérieurement à la dynastie Maurya dont nous avons parlé plus haut, le fils d’une çûtri devint, de chef d’une bande de voleurs, roi d’un pays fort étendu et fondateur même d’une dynastie qui porte de lui le nom de Nanda. Les exemples de ces crocs-en-jambe donnés à la loi, qui dit expressément du kshatriya que le Seigneur l’a créé roi : râjânan asrijat prabuh[2], remontent d’ailleurs dans la nuit des âges. Le roi Pajavana qui, suivant une antique légende rapportée par la Mahâbhârata, était le protecteur de Viçvâmitra, sortait de la caste des çûdras[3].

Ainsi la tradition pouvait suffire déjà à elle seule d’empêcher le système de s’établir conforme à toute la rigueur de la théorie. Au surplus, Lassen constate ce laisser-aller ; il dit que, parfois l’antagonisme entre la loi et la réalité a été poussé si loin que, dans plus d’un de ses royaumes, l’Inde a connu une organisation et une administration comme l’Europe n’en a vu naître que de nos jours, wie sie erst in neuerer Zeit in Europa aufgekommen[4]. Et il en cite des exemples. Le désarroi, que ces contradictions ont jeté dans la pratique du régime, s’est fait naturellement plus sentir aux kshatriyas qu’aux prêtres et au peuple. Leur caste en est venue jusqu’à s’effacer devant l’aristocratie spéciale des râjaputras (Rajputs), des Nâyakas (Naïrs) et des Goshtipatis (Gœstis)[5]. Les Rajputs, en particulier, sont devenus tellement nombreux qu’ils ont donné lieu à la fondation d’un État qui porte d’eux le nom de Rajputana. Voyez sur une carte de l’Inde la place considérable qu’il y occupe.

Quant à ce qui est des vaiçyas et des çûdras, plus heureux que les kshatriyas, ils se sont maintenus. Néanmoins les premiers n’existent plus

  1. Dubois, Mœurs, etc. I, p. 446.
  2. Mân., VII, 3.
  3. Mahâbh., XII, 2306 ; vol. III, p. 446 ; Calcutta.
  4. Lassen, Ind. Alt., II, 472 ; 2e éd.
  5. C’est-à-dire « chefs » (les Naïrs) et « maîtres de famille » (les Gœstis) seigneurs. V. Buchanan, A Joumey from Madras, etc., II, 408 sqq ; Groul, Reise in Ostind. I, 31 ; Friederich, Voorlooping Verslag van het eiland Bali, p. 15.