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Pâncavinça que le roi est un produit, garbha, de la viç[1]. Cela est, du reste conforme au Véda, suivant lequel tous les vaiçyas sont, en principe, voués aux armes[2], en ce qu’ils ont pour patrons les Maruts qui ne demandent qu’à faire la guerre et dont le chef, le redoutable Rudra, s’identifie avec Indra, portant la foudre et la lançant. Aussi, Indra est-il le législateur primitif et le modèle du kshatra[3], « à cause de quoi, rien n’est supérieur au kshatra : tasmât kshatrât paran nâsta. C’est par sa valeur guerrière, dit le Mahâbhârata, que le kshatra céleste s’est soumis les trois mondes, et dans le Mârkandeya-Purâna Indra raconte lui-même comment il est devenu par sa vaillance le chef des dieux[4].

Tout cela contribue pour sa part à nous renseigner sur les origines de la société indienne et à nous montrer la faiblesse des explications qu’on a données et qu’on donne encore du régime des castes, quand on n’y voit que la création d’une théorie. Les Indiens n’ont pas ce préjugé sacerdotal. La théorie brâhmanique ne prévaut que dans les ouvrages inaccessibles au vulgaire ; et qu’elle n’est pour rien dans les commencements du système même, c’est ce que les indiscrétions de la légende nous ont dit déjà. Nous le verrons plus amplement encore par la suite. Et pourquoi pas tout de suite ? Posons du moins la question sur le terrain que, dans la troisième partie de ce Mémoire, nous aurons à explorer à fond.

Procédant avec R. Roth ab antiquo, nous dirons donc que lorsque des peuples aryens, divisés en beaucoup de clans, pourvus de leurs chefs respectifs, eurent envahi, sur les traces d’autres Aryens établis depuis longtemps sur l’Indus, les vastes plaines de l’Hindoustan, les rivalités des râjas, auxquelles aucune délimitation topographique précise n’opposait plus d’obstacles, se firent jour et éclatèrent en luttes ouvertes, tant pour la domination universelle que pour l’existence pure et simple à la Darwin. En cet état de désordre social et politique, les compétiteurs eurent comme de naturel, fréquemment recours à l’intervention et à l’arbitrage des sacerdotes[5]. De tout temps les prêtres avaient été les gurus et les purohitas des chefs de clans, leurs aumôniers et leurs chapelains. C’est que « les dieux ne mangent pas l’offrande d’un râja sans purohita. »[6].

Ainsi se forma entre les sacerdotes des différentes tribus, jusque-là fort isolés, maintenant fréquemment mis en présence les uns des autres, une communauté de rapports qui les conduisit à établir des cor-

  1. Pâncavinçahrâhm., II, 7, 5.
  2. Comme dans la Grèce primitive. (v. Droysen, Geschichte des Hellenismus, III, p. 13.
  3. V. Çatapatha. II, 5, 4, 8 ; V, 1, 5, 4 sqq. ; Brihadâranyakaupanishat, I, 4, 11. éd. Röer ; — Mahâbhârata XII, 3382 ; aindhro dharmah kshattriyânan.
  4. Mârkandeyapurana, XII, 3660.
  5. V. Roth, Brahma und die Brahmanen, dans Zeitsch. d. DMG. I, 78 sqq.
  6. Na ha vâpurohitasya râjno devânnam adanti. (Ailareya Brâhm., VIII, 24).