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arrivants comme des anâryas ; aux Çûdras succédèrent enfin des clans moins célèbres mais plus heureux, les envahisseurs des plaines du Gange, tels que les Bhalânas, les Pakthas, les Çivas et d’autres, tous nommés à l’occasion d’une grande bataille que ces immigrants, les seconds en date, livrèrent, alliés aux panca janâs, les cinq nations de la troisième invasion, à la tribu fatidique des Tritsus ou Bhâratas. Ce sont les prêtres de ces Tritsus, les fameux brâhmanes, qui sont devenus spécialement, on peut le dire, la fatalité incarnée de l’Inde, car ce sont eux qui ont réussi à établir le régime des castes tel qu’il s’est développé et maintenu depuis sur la trame immuable de l’émanation divine.

La responsabilité des brâhmanes à cet égard se trouve toutefois diminuée quelque peu, quand on réfléchit que la race indo-européenne et spécialement la branche indienne de cette race ont emporté de leur séjour primitif une disposition singulièrement favorable au régime des castes, et cela, en vertu d’un penchant panthéiste natif, qu’il est impossible de méconnaître. Aussi la légende montre-t-elle Manu, homme et dieu à la fois, se constituer socialement dans sa progéniture en trois états, la noblesse dont le râja est la représentation la plus élevée, le sacerdoce, dont l’expression culminante est le ritvij, puis la viç, les fidèles. De même les enfants de Yima, le Manu irânien, étaient socialement divisés en rathoiçtas ou rathaectârs, les guerriers, en âthravas ou sacerdotes, et en fshuyaç ou travailleurs. Tout ce qui ne faisait pas partie de l’une ou de l’autre de ces trois classes, ne comptait pas, suivant la tradition légendaire, dans la société indo-irânienne. Il n’y avait pas encore des out-castes, mais il y avait déjà des out-laws. Jamais, d’ailleurs, la société iranienne n’a enregistré, comme un élément social, une classe de serfs ou d’esclaves[1] ; jamais il n’y eut chez les Iraniens l’équivalent du çûdra indien ; il y eut seulement des hommes devenus impurs ou criminels, des sectateurs des Yâtus, profondément méprisés.

Le classement social en râjas, ritvij et viças du monde védique est abondamment attesté par les témoignages que nous en trouvons dans hymnes. Le difficile est de l’en dégager nettement. Tous les âges sont mêlés et confondus dans les hymnes. « It is not denied, dit le savant Muir, that the hymns which we find in the Rigveda collection are of very different periods [2]. » Si l’on parvenait à expurger le Rik, je veux dire à le purger de tout ce que, avec une science de langue et de langage archaïques infinie, les brâhmanes y ont suc-

  1. Même au temps des Sassanides, le nombre des classes restait ce qu’il avait été jadis, et les titulaires s’en appelaient açruans, astistârans, vaçtryosans. (V. Spiegel, Ueber einige eingeschobene Stellen im Vendidad, dans Abh. der bayr. Akad. der Wiss., VI, 41 ; 1852.
  2. Muir, The priests in the Vedic age, dans Journ. of the Asiat. Soc. of Great Brit., 1860, p. 283.