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du brâhmane et il en est récompensé par la sécurité dont il jouit, par l’abondance qui le comble et le respect empressé du peuple. « Les viças, dit un hymne, s’inclinent d’eux-mêmes avec respect devant le roi chez qui le brâhmane occupe la première place »[1].

Nous avons appelé les brâhmanes des intrus. L’intrusion du brâhmane dans le sacerdoce des pasteurs et la substitution de sa religion, la religion des Bhâratides, au pur védisme auquel la spéculation et les effusions mystiques sont absolument étrangères, peuvent se suivre tout le long du Rik. Déjà au commencement du livre sacré, dans la stance 1 h. 10, m. 1er, le brâhmane se faufile aux lieu et place du hotraka, l’antique récitateur des mantras[2], et son chant fait croître ou prospérer le tout puissant (çatakratu) Indra. De maigre, humble et suppliant[3] qu’il était en arrivant, le rusé père se trouve bientôt, au service du Dieu à la vigoureuse mâchoire, l’insatiable Indra, abondamment choyé et nourri subhritam bibharti[4]. La maison lui appartient ; mais comme le succès grise ou du moins trouble le regard et la mémoire, il a négligé de légitimer sa fortune dans les origines mêmes de la nation. La chose n’était certes pas au-dessus de son savoir-faire. Pour faire la preuve de son existence védique, il n’avait qu’à insérer son nom dans l’hymne qui est probablement le document politico-religieux du Véda le plus ancien et le plus authentique qui existe, l’hymne féodal du sacrifice du cheval, açvamedha. L’eulogie du cheval, qui nomme tous les sacerdotes de l’âge védique suivant l’office qui leur était dévolu dans ce sacrifice souverainement important[5], ne nomme pas le brâhmane. Ce silence est une preuve. Les brâhmanes sont donc des tard-venus, mais peu leur importe, puisque le succès a couronné leur usurpation. La complexité des fonctions sacerdotales que l’açvastuti met en évidence a sans doute eu sa part dans le succès du tapah ou de la dévotion enflammée que les inventeurs du brahma mettaient à pratiquer cette prière. La multitude d’emplois et d’employés religieux qui a dû parfois donner lieu à des embarras de service, causer même peut-être des troubles dans la célébration du sacrifice sacré, a pu être un motif parmi d’autres pour

  1. R. V. IV, 50, 8 (III, 224) : tasmai viçah svayam evânam ante yasmin brahmâ râjani pûrva, etc.
  2. Le Comment. I, p. 128.
  3. R. V. II, 12, 6 (II, 470).
  4. R. V. IV, 50, 7 (III, 224).
  5. Ib. I, 162 ; (II, 227). Ces sacerdotes sont le hotar qui invoque ; l’advaryu qui prépare le soma, etc. ; l’âvayâs ou pratiprasthâtar, l’assistant ou le suppléant du précédent dans les choses de la cuisine sacrée ; l’agnimindha ou agnidhra, qui allume le feu ; le grâvagrâbha ou grâvastut, dont l’office se rapporte aussi au soma ; le çanstar ou udgâtar qui chante l’hymne et s’appelle encore praçâstar ou prastotar (vorsänger), plus tard maitrâvaruna ; le vipra ou suvipra. Enfin, le çamitar, sacrificateur ; le yantârâ qui tient la victime ; le viçastar qui la dépèce ; le potar qui tient le vase à offrande ; l’unnetar qui tient la cuiller ; le neshtar le maître des cérémonies. J’en oublie peut-être.