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tombé du côté où le système penchait naturellement, du côté de la matérialité, et qu’ainsi on avait laissé échapper le fil du labyrinthe, il le reprit avec l’esprit qu’il sut mettre dans les sûtras ou sentences mnémoniques, son fil à lui, et replaçant les intelligences sur la voie des phénomènes, il leur en montrait avec méthode le perpétuel enchaînement et le déterminisme réciproque de la naissance circulaire dans la connexité des causes et des effets, pratîtya samutpâda (1). Par là, il rétablit le but de l’existence, qui s’était dérobé sous les superstitions, dans l’égalité en cette vie et après le trépas ; en cette vie, par la méditation profonde, par l’extase, dhyâna ; après le trépas, par le nirvâna, cet état simple, asanskrita, et élémentaire, akata, où l’individu débarrassé de la chaîne des causes et effets, se trouve en sûreté contre le retour de sa personne dans le cercle des vicissitudes cosmiques.

Est-ce l’anéantissement ? Oui, sans conteste, si on envisage la chose au point de vue de la personnalité humaine et même au point de vue du moi en général. D’ailleurs, pour qu’on ne se méprît pas la-dessus et comme s’il avait été jaloux de justifier pleinement à l’avance ces paroles de Goethe,

Chaque chose qui naît mérite d’être anéantie.
Il vaudrait beaucoup mieux que rien n’eût été fait (2) ;

Le buddhisme a choisi par la suite un terme encore plus significatif et plus énergique que celui de nirvâna, à savoir parinirvâna, l’anni-

(1) Spécialement ces termes s’appliquent à la série d’agrégats que voici : 1 l’ignorance, avidyâ ; 2 l’imagination, sanskâra ; 3 la distinction, vinrânam ; 4 le nom et la forme, nâmarûpam ; 5 les six sièges qualificateurs ou les six sens, shadâydtana ; 6 le toucher, sparça ; 7 la sensation, vêdanâ ; 8 le désir, trishnâ ; 9 l’attachement, upâdana ; 10 l’existence, bhava ; 11 la naissance, jâti ; 12 la vieillesse et la mort, jarâmarana. De tout quoi on a la douleur dukkha.

(2)

Ist werth dass et en grunde geht ;
Drurn besser war’s dass nichts entstünde. (Faust, p. 51, éd. 1847).