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particulièrement à la convenance de la race anarienne, portée dès son origine aux doctrines cosmiques où un idéal transcendant n’était pas de mise. Le nirvana, pour le répéter, n’est certes pas l’invention personnelle de Câkyamuni ; il serait téméraire de l’affirmer. Nous n’avons aucune garantie historique de la fidélité de rédaction des sûtras, tant du sud que du nord, qu’on attribue au grand réformateur ; lui-même n’a rien écrit et ses disciples immédiats non plus n’ont pas songé, quoiqu’en dise Hiouen Thsang (1), à un autre enseignement qu’à l’enseignement oral. La doctrine du Nirvana doit donc être considérée comme une doctrine collective.

Toutefois, l’initiative en rentre assurément d’une certaine manière dans l’œuvre personnelle du buddha Çakya ; le Dhammapadam dit positivement que le Sugata a institué la voie qui y conduit (2), et cela suffit assurément pour témoigner d’un grand essor intellectuel et d’une énergie morale supérieure. Ce n’est du reste qu’à cette condition que la rénovation doctrinale de Siddhârtha a pu plaire à un peuple auquel, dans le passé, on ne saurait certes contester une grande intelligence. Je dis dans le passé, car, quant à l’existence qu’il subit depuis la conquête musulmane, on dirait l’effet d’une insolation produite par la lune. Ce qui est certain, c’est qu’après une première résistance qu’elle souleva, résistance qu’il convient de mettre au compte de ce fait bien avéré, que nul n’est prophète dans son pays (3), la rénovation de Çakya entraîna puissamment l’imagina-

(1) Le livre de ce pèlerin, comme celui de son compatriote Fa hian, est assurément précieux en ce qu’il nous retrace l’état du buddhisme indien au viie (resp. au ive) siècle de notre ère ; mais quant aux assertions historiques de ces deux Chinois, elles n’ont généralement qu’une valeur légendaire.

(2) Dhammapadam, str. 285 : Santimaggam nibbdnam sugatena desitam. — L’épithète de sugata « qui marche bien » fait souvenir du mot de saint Paul (Rom. X, 15). « Combien sont beaux les pieds de ceux qui annoncent l’évangile. »

(3) Une légende mongole : Naissance et vie de Çakyamuni, dit que lorsque Siddhartha commença dans le Magadha à prêcher la Loi, on le prit pour un