pents et les rats, sans qu’ils se nuisissent les uns aux autres (1), qu’il pouvait faire surmonter à ses disciples l’égoïsme, le vice, la méchanceté et la paresse morale, toutes choses qui s’entredévorent en nous, nous causent un supplice sans cesse renaissant et rendent misérable une existence à laquelle néanmoins, plus elles s’enfoncent dans la matière, elles nous attachent davantage. C’est un fait que plus l’homme est moralement malade, plus il est vicieux, et plus il veut jouir et encore jouir ; il craint surtout de mourir, l’existence est son tout. Mais le sage, dit Laotse, ne s’attache à rien, pas même à ses mérites. C’est en se détachant ainsi de tout au point d’ignorer tout et de s’oublier soi-même, qu’on arrive à cette délivrance de la douleur, de la vieillesse et de la mort qui réalise l’absence de l’idée et de la perception, le nirodha, où l’on se trouve enlevé dans le nirvana, même en vivant encore. Ce n’est sans doute pas là le nirvana pur et parfait, mais c’est un état qui est appelé nirvânakâya, le nirvana avec un reste.
Le maître de la loi, Hiouen thsang, nous offre dans sa personne un exemple de ce nirvana dont on peut jouir, le corps présent. Ayant été pris par des brigands, qui se disposaient à le sacrifier à la déesse Durgâ, il leur dit : «Laissez-moi entrer dans le nirvana avec une âme calme et joyeuse... Alors il s’assit dans l’attitude de la méditation et attacha énergiquement ses pensées sur Maitrêya bodhisattva. Tout à coup , au fond de son âme ravie, il lui sembla qu’il s’élevait jusqu’au mont Sumêru, et après avoir franchi un, deux et trois cieux, il voyait, dans le palais des Tuchitas (2), le vénérable Maîtrêya assis sur un trône resplendissant, et entouré d’une multitude de dêvas. Dans ce moment il nageait dans la joie, de corps et d’âme, sans
(1) Fa hian dit iXXXVIIIi qu’un Çramana de Ceylo était parvenu à réaliser ce prodige.
(2) Sur la Mythologie du buddhisme, voir mon ouvrage le Buddha et le buddhisme, liv. III, ch. 4.