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takas. (1). Gautama y a passé bien des fois et, suivant une légende recueillie par Spence Hardy de la bouche d’un pandit çinghalais, il se serait vu renaître quatre fois comme serpent, dix fois comme lion, six fois comme éléphant, une fois comme chacal, comme rat, comme corneille, comme pivert, comme cochon, comme milan, comme lièvre, comme grenouille et même comme voleur et comme paria ou rebut de toute société (2). Pour se délivrer de cette chaîne d’existences renaissantes qui, pour le remarquer en passant, n’a rien de commun avec le circuit qu’après le trépas l’âme décrit chez les Egyptiens, il n’y a d’efficace qu’un seul moyen, c’est de se traiter sans y mettre toutefois de l’emportement par un réactif dissolvant tout moral, l’abnégation de soi-même allant jusqu’à l’abdication. Le vrai disciple de Çâkyanâlanda donne, à l’exemple du maître, sans se lasser jamais ; toujours la main ouverte (3), il se dépouille sans résistance et sans regret, jusqu’à aller au devant de l’annulation de sa propre personne. Cependant il ne quittera jamais la voie du milieu (4). Le maître condamne l’excès où qu’il se produise, dans le bien comme dans le mal.

On comprend que, dans un tel système, l’admission d’un Dieu serait, pour le répéter, non seulement gênante, mais qu’elle en détruirait toute l’économie. Si un Dieu se trouvait là pour rendre notre personne immortelle dans n’importe quel séjour de bonheur a lui, ce paradis, tout paradis qu’il fût, prolongerait avec notre existence les vicissitudes qui, à un degré quelconque, sont inhérentes à toute existence ; il n’y a pas à le contester. La nature même de l’existence est le changement et ne peut pas ne pas l’être. C’est ce que sentait fort

(1) Les jatakas sont les récits des existences (naissances) antérieures du Buddha. Souvent ces récits entrent comme éléments dans la composition d’autres livres, car le thème est inépuisable.

(2) Spence Hardy, A Manual of Buddhim, p. 100.

(3) Habituellement on représente le Buddha avec la main gauche ouverte devant lui ; souvent, elles le sont toutes les deux.

(4) Majjhimamaggam.