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châtiée, n’a pas pu prévaloir contre la prostitution κατ’ἐξοχήν. Les hommes se sont toujours leurrés de l’espoir qu’un jour ou l’autre leur grand et suprême rêve pourrait avoir chance de se réaliser, et, effectivement, quelques individualités ont paru toucher au but. La légende fait dire à Goethe encore enfant : « Je ne puis me contenter de ce qui suffit aux autres[1] ». Ecce Deus !

Toutefois, les tentatives pour sortir de la voie fatale n’ont pas manqué ; il y a eu à ce sujet un effort presque unanime. On a essayé de tempérer la coupable portée de la passion qui nous dévore en la détournant sur le culte en quelque sorte impersonnel des simulacres et des images. Malheureusement, les artistes sont venus gâter par leur intervention cet essai d’abstraction. Le travail souvent admirable de la statuaire a donné au culte des symboles une impulsion idolâtrique pour le moins aussi décisive que le mauvais esprit auquel Mar Jacques l’attribue seul dans son discours[2]. De ces artistes, chacun, pour plaire davantage, épuisa tout son art afin de former une plus parfaite image. Et la multitude, séduite par la beauté des ouvrages, appela dieux ceux qu’elle avait connus hommes. Telle fut l’illusion de la vie humaine : et hæc fuit vitæ humanæ deceptio[3]. La chose alla donc de mal en pis. Cependant, par un procédé contraire à celui des artistes, les peuples, plus fins et mieux avisés souvent que les hommes civilisés, se sont mis à faire abstraction de

  1. Mit dem, was anderen Leuten genügt, kann ich nicht fertig werden. (V. J. Scherr, Göthe’s Jugend, p. 18.)
  2. Discours de Jacques de Saroug sur la chute des idoles, dans Zeitsch. der D. M. G., XXIX, p. 130, par l’abbé Martin.
  3. Sapientia, XIV, 18-21.