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Mais n’insistons pas ; ce que personne n’a vu ni entendu est de plein droit du domaine de la poésie[1]. Demandons-nous pourquoi la chasteté et la pudeur ne s’harmonisent pas ; pourquoi même elles ne peuvent pas exister en nous simultanément. Il y a, cela est clair, dans cette incompatibilité allant jusqu’au plus rigoureux exclusivisme, une énigme à résoudre. Ce qu’on est peut-être autorisé à conclure avant toute autre recherche de ce fait singulier, c’est que la pudeur n’est pas réellement un étal de virilité, comme cela est indubitable quant à la chasteté, mais que, tout au contraire, elle présente un phénomène de défaillance morale. Elle se manifeste en effet par un état d’appréhension ou de crainte ; elle est donc, au sens propre du mot, une passion. Aussi voit-on que, quoiqu’elle puisse rendre la jeune personne qui l’éprouve « plus belle qu’un ange », la courtisane ne la subit pas moins que l’honnête fille[2]. En tous cas, on peut dire que, comme il y a deux sortes de vertus, celles qui relèvent de la morale naturelle et celles qui dépendent surtout des conditions du milieu où l’on vit, la chasteté et la pudeur se trouvent classées, l’une dans le domaine de l’éthique qui nous apprend ce que nous devons être, l’autre dans la sphère de la psychologie qui nous montre ce que nous sommes. Cependant les anciens ont dit : Naturalia non sunt turpia. Sans doute, mais ils n’ont pas voulu affirmer par là que la chasteté n’a aucune atteinte à redouter de la

  1. C’est ainsi qu’un pape (Grégoire le Grand) déclara que le diable avait sa demeure dans le Nord : diabolus sedit in lateribus aquilonis. Il ne l’avait vu ni entendu dire, mais cela lui semblait ainsi, probablement parce qu’il craignait le froid plus que le feu.
  2. Scarron, Le Roman comique, XIII.