Page:Schoebel - Le Rituel brahmanique du respect social.djvu/11

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que kshatra dérive de kshata, blessure[1], avec ri, aller, dans le sens de donner[2], de sorte que la signification du mot reviendrait à vulneralum iens, vulnut dans, et le mettrait ainsi sur la même ligne que le lithuanien iszkaddarrys, le gothique skalhareis et l’ancien haut allemand scadari, tous mots qui veulent dire : qui fait du dommage ; schadenstifter[3]. C’est dire que les Kshatriyas étaient d’abord des gens redoutables à la paix publique, des brigands, à peu près comme tant de chevaliers au moyen-âge, raubritter. On a dit que le premier roi fut un soldat heureux ; eh bien, un Kshatriya se couronnant roi par son audace a dû trouver des imitateurs, qui ne manquent jamais, et c’est ainsi que d’un état abject ces heureux aventuriers sont arrivés à constituer les familles royales. Toutefois, la tache de leur profession originaire a continué à se perpétuer dans la langue par certaines expressions qu’on leur applique, et parmi lesquelles cette demande qu’il faut adresser au Kshatriya qu’on salue, s’il n’est pas malade, me parait une des plus significatives.

Mais, tandis que le Kshatriya s’est élevé dans l’échelle sociale, le Çûdra est de plus en plus descendu. On ne saurait dire à quel moment de l’histoire le préjugé contre le Çûdra est devenu assez intense pour le reléguer, lui le premier immigrant aryen dans l’Inde[4], au rang infime qu’il occupe

  1. Cf., scathjan (golh.), scadan (anc. allem.), endommager.
  2. Sens qu’il a souvent en français ; p. ex. donner dans la mêlée ; cette fenêtre donne sur la cour ; donner dans une embuscade, etc., etc.
  3. Voy. J. Grimm, dans la Zeitschrift für vergleichende Sprachforschung de Kuhn, I, p. 83.
  4. Ces premiers immigrants paraissent s’être arrêtés dans les pays de l’Indus, où leur nom se retrouve dans la ville de Σύδρος sur le bas Indus, et dans les Σύδροι de l’Arachosie septentrionale (voy. Ptolem., Geogr., l. vii, c. 1, p. 119, éd. 1511), pourvu, toutefois, que Çûdra s’écrivit