Page:Schoonbroodt - Une petite bourgeoise, 1916.djvu/87

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la savate, peut-être… Dis, femme, peut-être bien que le petit a froid, lui, pendant que nous nous chauffons ici comme de vieux égoïstes…

Madame (très pâle). — Tu crois qu’il peut avoir froid ?

Monsieur. — Oh ! si je le savais, vois-tu… Si j’en étais sûr… Nous n’avons pas grand argent et nous devons toujours les mille francs à ce gredin de Ramelin qui me menace comme si j’étais un malfaiteur, moi… mais je mettrais au clou la belle montre à répétition qui me vient de mon père et qui vaut encore bien deux cents francs, et je prendrais de suite le train pour Paris… et je Tirais rechercher, mon fils… et je…

Madame (secouant la tête). — Tu l’irais chercher où ?… Allons, mon homme, mon brave, mon vieil homme, un verre de vin chaud à la cannelle, comme au temps où nous étions encore heureux, comme au temps où nous étions encore trois…

Monsieur (tout bas, tout bas, à l’oreille de sa femme). — Si nous buvions à sa santé, à « lui » ?…

Et la vieille Madame Dumortier baisse la tête comme une coupable, car elle sent que tout de même elle est un peu responsable de ce qui arrive. Cependant, son mari attend, le verre est levé à la hauteur de l’œil. Elle voit le geste et le comprend. Alors, elle aussi, lève lentement le verre dans sa main tremblante. Ils ne parlent point, mais les cœurs aimants