Page:Schopenhauer - Écrivains et Style, 1905, trad. Dietrich.djvu/103

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thèse simplement prise au figuré, et, de plus, tout à fait arbitraire ! Une métaphore, et non une explication ! Maintenant, pour en trouver une, le plus plausible me semble d’admettre que l’homme a découvert instinctivement le langage, en vertu d’un instinct originel qui crée chez lui, sans réflexion et sans dessein conscient, l’outil indispensable à l’emploi de sa raison et l’organe de celle-ci. Et cet instinct se perd quand, le langage existant désormais, son rôle est terminé.

De même que toutes les œuvres produites par le seul instinct, telles que les constructions des abeilles, des guêpes, des castors, les nids des oiseaux avec leurs formes si variées et toujours conformes au but, etc., ont une perfection qui leur est particulière, en ce qu’elles répondent juste et exactement aux exigences de leur but, en sorte que nous admirons la profonde sagesse qui y préside, ainsi en est-il du premier langage spontané. Il avait la haute perfection de toutes les œuvres de l’instinct. Étudier celle-ci, pour l’amener à la lumière de la réflexion et de la claire conscience, c’est l’œuvre de la grammaire, qui n’apparaît que des siècles plus tard.

L’étude de plusieurs langues est non seulement au point de vue direct, mais au point de vue indirect aussi, un exercice profondément profitable au développement des facultés intellectuelles. De là, le mot de Charles-Quint : « Autant on sait de langues, autant de fois on est un homme » (Quot linguas quis callet, tot homines valet). Voici en quoi la chose consiste :

L’équivalent exact d’un mot d’une langue ne se trouve pas dans chaque autre langue. L’ensemble des idées indiquées par les mots d’une langue n’est donc pas