Page:Schopenhauer - Écrivains et Style, 1905, trad. Dietrich.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vulgaire, et, au lieu de la simplicité et de la grâce antiques, les attitudes du menuet français. Elle fit faillite, quand les leçons de Winckelmann eurent ramené à l’école des anciens. Le premier quart de ce siècle fournit un autre exemple, emprunté à la peinture. L’art était alors considéré comme un simple moyen et un simple instrument de religiosité médiévale, et les sujets religieux formaient en conséquence son thème unique. Or, ces sujets étaient traités par des peintres dépourvus de foi sérieuse, mais qui, par suite de l’illusion indiquée, prenaient pour modèles Francesco Francia, Pietro Perugino, Angelo de Fiesole et autres, et les tenaient même en plus haute estime que les vrais grands maîtres qui suivirent. Cette aberration, qui s’était fait sentir en même temps en poésie, inspira à Gœthe sa parabole : Pfaffenspiel. Cette école aussi fut jugée plus tard extravagante ; elle fit faillite, et elle fut suivie du retour à la nature, qui se manifeste par des tableaux de genre et des scènes vivantes de toute espèce, s’égarant même parfois dans la vulgarité.

Correspondant à cette marche du progrès humain, l’histoire littéraire est dans sa plus grande partie le catalogue d’un cabinet de monstruosités. L’esprit dans lequel celles-ci se conservent le plus longtemps, est la peau de porc. Par contre, il ne faut pas aller chercher là les rares sujets bien formés ; ils sont restés en vie, et on les rencontre partout dans le monde, où ils circulent en Immortels doués d’une jeunesse toujours fraîche. Eux seuls forment la littérature réelle signalée dans le paragraphe précédent, et dont nous apprenons dès notre jeunesse, par la bouche de tous les lettrés, et non par des compilations, l’histoire pauvre en personnalités.