Page:Schopenhauer - Écrivains et Style, 1905, trad. Dietrich.djvu/156

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

LE JUGEMENT, LA CRITIQUE, LES APPLAUDISSEMENTS ET LA GLOIRE


Kant a exposé son esthétique dans sa Critique du jugement. Conformément à son exemple, j’ajouterai aussi, dans ce chapitre, à mes observations esthétiques, une petite critique du jugement, mais seulement du jugement empirique. Ce sera surtout pour dire que, le plus souvent, il n’existe pas ; il est, en effet, un oiseau presque aussi rare que le phénix, qui n’apparaît que tous les cinq cents ans.

On désigne par le mot goût, choisi sans beaucoup de goût, cette trouvaille, ou cette simple constatation de la vérité esthétique, qui s’opère sans l’application d’une règle : soit qu’aucune règle ne s’étende jusque-là, ou que cette règle ne fût pas connue de l’exécutant, dans l’espèce un simple critique. Au lieu de goût on pourrait dire sentiment esthétique, si cela ne renfermait pas une tautologie.

Le goût, qui comprend et juge, est en quelque sorte le côté féminin par rapport au côté masculin du talent productif, ou génie. Incapable de rien produire, il consiste dans la faculté de recevoir, c’est-à-dire de recon-