Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/117

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mais leur accorder une part dans l’État, c’est absurde : ils sont et restent un peuple étranger, oriental, et ne doivent jamais être regardés que comme des étrangers établis dans un pays. Quand, il y a environ vingt-cinq ans, la question de l’émancipation des juifs fut débattue au Parlement anglais, un orateur posa le cas hypothétique suivant : Un juif anglais arrive à Lisbonne, où il rencontre deux hommes réduits à la dernière détresse, mais dont il a toutefois le pouvoir de sauver l’un. Personnellement, tous deux lui sont inconnus. L’un est un Anglais chrétien, l’autre un Portugais juif. Lequel des deux sauvera-t-il ? — Je crois qu’aucun chrétien perspicace, comme nul juif sincère, ne sera en doute sur la réponse. Mais celle-ci donne la mesure quant aux droits à accorder aux juifs.

En aucune circonstance la religion n’intervient aussi directement et visiblement dans la vie pratique et matérielle, qu’en matière de serment. Il est vraiment fâcheux que la vie et la propriété de l’un dépendent ainsi des convictions métaphysiques d’un autre. Mais si un jour, comme on est on droit de s’en préoccuper, toutes les religions sombraient et toute foi disparaissait, qu’adviendrait-il du serment ? Il vaut donc la peine de rechercher s’il n’y a pas une signification du serment purement morale, indépendante de toute foi positive, et cependant réductible à des notions claires, qui, comme un sanctuaire d’or pur, pourrait survivre a cet incendie universel de l’Église ; cette signification apparaîtrait toutefois un peu nue et sèche, à côté de la pompe et du langage énergique du serment religieux.

Le but incontesté du serment est de remédier uni-