Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/134

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méfaits ne se présente pas souvent, qu’on recule devant des raisons opposées, que nos sentiments se révèlent à nous-mêmes par des désirs, des idées, des affects qui restent inconnus pour les autres, — on pourrait penser qu’un homme a jusqu’à un certain point une mauvaise conscience innée, sans avoir commis de grandes méchancetés.

L’homme, en se confondant avec son objet immédiat, en se reconnaissant comme un être dans le temps, en croyant être devenu et devoir passer, ressemble à un individu qui, debout sur le rivage, regarde les flots et s’imagine nager lui-même, tandis que ceux-ci restent immobiles ; et cependant il reste en repos, et les flots seuls s’écoulent.

De même que nous n’entendons d’un orchestre qui se prépare à jouer une superbe musique, que des sons confus, des accords fugitifs, par intervalles des morceaux qui commencent, mais ne s’achèvent pas, bref, des notes composites de tout genre, ainsi, dans la vie, transparaissent seulement des fragments, de faibles accords, des commencements et des échantillons inachevés de félicité, d’état satisfait, apaisé, riche en soi, qui se manifeste hors de la confusion de l’ensemble.

Et quelque morceau qu’un musicien de l’orchestre entame, il doit l’abandonner, car ce morceau n’est pas à sa place ; ce n’est pas le vrai morceau, le grand et beau morceau qui doit venir.

Rien de plus sot que de railler les contes de Faust et d’autres, qui se sont donnés au diable. La seule chose