Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/145

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que les matières où les erreurs sont impossibles, comme les mathématiques, ou peu dangereuses, comme les langues, les sciences naturelles, l’histoire, etc. ; en un mot, seulement les branches de savoir accessibles à chaque âge et que celui-ci peut comprendre. L’enfance et la jeunesse sont le temps propre à recueillir des faits et à apprendre les détails spécialement et à fond ; par contre, le jugement en général doit rester encore en suspens, et les explications ultimes doivent être ajournées. Il faut laisser reposer le jugement, qui présuppose maturité et expérience, et se garder d’anticiper son action, en lui insufflant des préjugés qui le paralyseraient à jamais.

Par contre, la mémoire ayant dans la jeunesse sa plus grande force et sa plus grande ténacité, c’est à elle qu’il faut avant tout recourir ; mais avec le plus grand soin, après des réflexions scrupuleuses. Les choses qu’on a bien apprises dans la jeunesse ne s’oubliant jamais, on devrait s’efforcer de tirer de cette disposition précieuse le plus grand profit possible. Si nous nous rappelons combien sont profondément enracinées dans notre mémoire les personnes que nous avons connues dans les douze premières années de notre vie ; combien sont indélébiles les événements de ce temps-là et la majeure partie des choses que nous avons alors faites, entendues, apprises, c’est une idée toute naturelle de fonder l’éducation sur cette réceptivité et cette ténacité de l’esprit juvénile ; il s’agit de diriger avec une sévérité méthodique et systématique toutes les impressions vers ces deux propriétés.

Mais les années de jeunesse accordées à l’homme sont courtes, et la capacité de la mémoire, surtout de