Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/18

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tat l’unité de l’Allemagne, sont avant tout le fait du maître d’école, n’est-elle pas des plus caractéristiques ! En regard de ce respect pour l’éducateur et de la reconnaissance que lui vouent les peuples de race germanique, opposons les caricatures que les espiègles écoliers romains traçaient déjà de leurs maîtres, voilà deux mille ans, et dont de curieux échantillons se voient encore parmi les graffiti de Pompéi. Ce respect d’une part, cet irrespect de l’autre, décèlent deux mentalités différentes.

Cela ne veut pas dire que notre pays n’ait eu, lui aussi, ses éducateurs théoriques ou effectifs, et, parmi les premiers, quelques-uns des plus remarquables, tels que Rabelais, Ramus, Montaigne, Fénelon, Rollin, etc. À ces noms on peut ajouter celui de Jean-Jacques, qui avait de grandes prétentions sous ce rapport ; il ne faut toutefois pas oublier que l’auteur d’Émile était Suisse, c’est-à-dire plus homme du Nord que Latin, et qu’il n’accuse ni dans ses idées ni dans sa mentalité générale les traits ordinaires du caractère français. On peut en dire autant de l’excellent livre de Mme Necker de Saussure sur l’Éducation progressive. Écrit par une Genevoise, ses préceptes sont plus appropriés au tempérament moral des gens du Nord qu’à celui des gens du Midi. En résumé, tout ce que nous prétendons ici, c’est que les peuples germaniques ont abordé de tout temps avec plus de sérieux que les peuples latins le problème de l’éducation et des méthodes d’enseignement, et que la liste de leurs éducateurs éminents nous apparaît plus étendue que celle des nôtres.

Les considérations de Schopenhauer en matière d’éducation et d’enseignement viennent rajouter très utilement à celles de ses prédécesseurs en cet ordre d’idées. Il n’a écrit sur ce sujet que quelques pages, mais fortes de choses, mais suggestives, comme on le verra. Il met en garde contre la méthode, trop fréquemment suivie, qui consiste à placer les notions avant les perceptions, c’est-à-dire qui substitue l’éducation artificielle à l’éducation naturelle, et il y a là un avertissement utile à méditer. Il termine en improuvant la lecture des romans, comme de nature à engendrer dans les