Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/44

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nommé l’homme « l’animal méchant par excellence[1] », jugement qui soulève des protestations, parce qu’on se sent atteint par lui ; il a néanmoins raison. L’homme est en effet l’unique animal qui inflige des douleurs aux autres sans but déterminé. Les autres animaux ne le font jamais que pour apaiser leur faim, ou dans l’ardeur de la lutte. On répète toujours que le tigre tue plus qu’il ne mange ; il n’égorge toutefois qu’avec l’intention de se repaître, et c’est le cas de dire, en employant l’expression française, que « ses yeux sont plus grands que son estomac[2] ». Aucun animal ne torture uniquement pour torturer ; mais l’homme le fait, et ceci constitue le caractère diabolique, infiniment pire que le caractère simplement bestial. Il a déjà été question de la chose en grand ; elle n’est pas moins évidente en petit, comme chacun a l’occasion quotidienne de l’observer. Par exemple, deux jeunes chiens jouent ensemble, — spectacle pacifique et charmant. Un enfant de trois à quatre ans arrive, et ne manque guère de les frapper aussitôt de son fouet ou de son bâton, montrant ainsi qu’il est déjà « l’animal méchant par excellence ». Les si fréquentes taquineries sans but et les mauvaises plaisanteries découlent aussi de cette source. Vient-on, je suppose, à exprimer son mécontentement au sujet d’un dérangement ou de tout autre petit désagrément, il ne manquera pas de gens qui vous les imposeront uniquement pour cette raison : animal méchant par

    entre certaines idées de ce publiciste distingué et quelques-unes des idées actuellement à l’ordre du jour chez nos voisins d’outre-Rhin. (Le trad.)

  1. En français dans le texte.
  2. Également en français.