Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/80

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précisément si un caractère est plus accessible à tel ou tel ordre de motifs, que cela est décisif pour sa véritable moralité, qui, cependant, n’est jamais qu’innée. L’exemple agit en général avantageusement pour faire prédominer les bonnes et les mauvaises qualités du caractère, mais il ne les crée pas. Aussi le mot de Sénèque : Velle non discitur[1], est-il vrai également ici.

Que l’innéité de toutes les véritables qualités morales, des bonnes comme des mauvaises, convienne mieux à la doctrine de la métempsycose des brahmanes et des bouddhistes qu’au judaïsme, je le sais très bien ; en vertu de celle-là, « les bonnes et les mauvaises actions d’un homme le suivent d’une existence dans l’autre comme son ombre », tandis que celui-ci exige plutôt que l’homme vienne au monde comme un zéro moral, pour décider, au moyen d’un liberi arbitrii indifferentiæ inimaginable, c’est-à-dire d’une réflexion rationnelle, s’il veut être un ange, ou un démon, ou n’importe quoi entre les deux. Mais je ne me préoccupe pas de cela, car mon étendard est la vérité. Je ne suis pas professeur de philosophie, et ne tiens donc pas pour mon devoir de fixer sûrement avant toute autre chose les idées fondamentales du judaïsme, celles-ci dussent-elles barrer à jamais la voie à toute connaissance philosophique. Liberum arbitrium indifferentiæ, sous le nom de « liberté morale », est un délicieux jouet pour les professeurs de philosophie. Il faut le leur laisser, — à ces gens spirituels, honnêtes et de bonne foi !

  1. « On n’apprend pas à vouloir ».