Page:Schopenhauer - Aphorismes sur la sagesse dans la vie, 1880, trad. Cantacuzène.djvu/113

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vantable catastrophe ; elle amène une mort si complète de l’honneur que, si l’on peut à la rigueur guérir par de simples saignées toutes les autres lésions de l’honneur, celle-ci, pour sa guérison radicale, exige que l’on tue complètement.

3° L’honneur ne s’inquiète pas de ce que peut être l’homme en soi et par soi, ni de la question de savoir si la condition morale d’un être ne peut pas se modifier quelque jour, et autres semblables pédanteries d’école. Lorsque l’honneur a été endommagé ou perdu pour un moment, il peut être promptement et entièrement rétabli, mais à la condition qu’on s’y prenne au plus vite ; cette unique panacée, c’est le duel. Si, toutefois, l’auteur du dommage n’appartient pas aux classes sociales qui professent le code de l’honneur chevaleresque, ou s’il a violé ce code en quelque occasion, il y a, surtout quand le dommage a été causé par des voies de fait, mais alors même qu’il ne l’a été que par des paroles, il y a, disons-nous, une opération infaillible à entreprendre : c’est, si l’on est armé, de lui passer sur-le-champ ou encore, à la rigueur, une heure après, son arme au travers du corps ; de cette façon, l’honneur est rétabli. Mais parfois l’on veut éviter cette opération, parce que l’on appréhende les désagréments qui en pourraient résulter ; alors si l’on n’est pas bien sûr que l’offenseur se soumette aux lois de l’honneur chevaleresque, on a recours à un remède palliatif qui s’appelle l’avantage. Celui-ci consiste, lorsque l’adversaire a été grossier, à l’être notablement plus que lui ; si pour cela les injures ne suffisent pas, on a recours aux